Kathryn Bigelow avait déjà montré son goût pour transformer ses films en quasi documentaire. Le très bon "Zero Dark Thirty" avait annoncé la couleur: lent, froid, complexe, cru. Pas de filtres dans le film, on montre les choses telles qu'elles sont, d'où les polémiques autour de la torture dans le film. On se souvient de la reconstitution de l'opération Neptune's Spear, qui mena à la mort de Ben Laden, glaçante.
Avec "Detroit", la réalisatrice pousse plus loin. En choisit ici de s'attaquer à un fait divers / scandal qui eut lieu pendant les émeutes de Détroit. Fait moins bruyant que la mort de l'ennemi public numéro 1 du monde libre certes, mais qui apporte comme une sorte d'intimité dans le film, on est au coeur d'une salle bavure inavouée.
Bigelow reprend son style habituel, documentaire: 100% caméra épaule, cadres pas toujours esthétiques, zooms et dézooms dans tous les sens.
Encore plus que dans "Zero Dark Thirty" ou son fameux "Démineurs", le style de la réal est particulièrement appropriée, surtout dans la deuxième partie du film, où l'on a l'impression, à l'instar du personnage de John Boyega, d'être témoin direct de l'action, d'être là face à l'horreur de la situation.
Il faut dire que le scénario est à montrer dans les écoles: d'une simplicité certaines, mais d'une efficacité totale.
Une première partie de mise en place, où on se retrouve en plein milieux des premières émeutes, accompagnée d'une mise en scène bordélique, qui nous donne déjà le sentiment d'être dépassé par les événements .
Une deuxième partie pour les faits: là le film devient un quasi huis clos en temps réel, tout se passe vite, on est pris au piège avec les personnages, à la merci du plutôt bon Will Poulter (peut être un peu jeune pour le rôle, mais fait vite oublier ses rôles dans des comédies bancales).
Et une troisième partie de dénouement, au tribunal. La rythme redescend, mais la réalisatrice maintient son suspense avec une vraie main de maitre.
Mention honorable au casting en général, pas grand chose à dire.
Un vrai film d'école s'il en est, classique, mais prenant jusqu'à l'os.