Une histoire passée pour un manifeste au présent

« Nous ne sommes pas encore libres, nous avons seulement atteint la liberté d'être libres. » C’est par cette citation de Nelson Mandela que pourrait commencer le nouveau film de Kathryn Bigelow. En effet tout est là, la liberté d’être libre, d’exister pour un noir à égalité avec un blanc.
Avec Detroit, Kathryn Bigelow signe son film le plus engagé. Elle y dépeint les émeutes raciales qui en 1967 frappèrent la ville de Detroit. Son récit va se concentrer plus particulièrement sur les événements du Algiers Motel. Ainsi, le 26 juillet au matin, Charles Hendrix, qui s’occupait de la sécurité de l’établissement, retrouve les corps de trois adolescents noirs, respectivement 17, 18 et 19 ans. L’enquête établira par la suite que les adolescents furent tués et torturés par la police d’état. Il s’ouvre alors un des procès les plus retissant sur l’inégalité raciale qui règne aux Etats Unis. C’est ce fait divers que Kathryn Bigelow choisit de reprendre dans son dernier film. La réalisatrice en fait un film cru et violent où le chaos de Detroit devient complet. Comme dans ses précédents films on retrouve également l’importance donnée aux conflits psychologiques des personnages. Les acteurs tremblent, transpirent, ils semblent être au bord de la crise de nerf et plongent le spectateur dans une attente et une angoisse continue.
Kathryn Bigelow choisit de traiter son film comme un documentaire. Caméra portée, gros plan, mise au point retardée, zoom parfois grossier dans l’image. Tout est donné au spectateur pour l’immerger dans l’action pour lui donner l’impression, de vivre avec les personnages l’horreur de la scène qui se déroule. Si Kathryn Bigelow donne à son film les aspects du documentaire, c’est d’une part pour mieux immerger les spectateurs certes, mais aussi, peut être, pour mieux affirmer son point de vue sur les inégalités raciales. En donnant à son film l’allure d’un documentaire (style, image d’archive, participation des témoins à l’élaboration du film), Kathryn Bigelow, semble redonner vie aux émeutes de 1967 et ainsi parler au présent. Plus qu’un film historique, son film devient alors un manifeste contemporain sur l’inégalité des hommes. La question du racisme ne meurt pas et celle de l’égalité homme/femme se pose à nouveau. Il est donc indispensable de continuer à lutter et d’encourager des films comme I’m not your negro ou celui-ci.
Finalement, c’est pas une touche d’espoir que se conclue le film. Algee Smith (Larry Reed dans le film) lève les yeux au ciel et laisse entrevoir une renaissance.
Armand_P
7
Écrit par

Créée

le 9 juil. 2018

Critique lue 152 fois

1 j'aime

Armand_P

Écrit par

Critique lue 152 fois

1

D'autres avis sur Detroit

Detroit
Sartorious
5

Un réalisme bien artificiel

Singer le style documentaire en recourant à la caméra portée, mêler les images d’archives au récit pour insinuer l’idée d’une continuité entre les évènements mis en scène et la réalité historique,...

le 12 oct. 2017

63 j'aime

9

Detroit
Shezza
5

De l'hyper-visibilité pour un manichéisme malsain

Je suis sortie de Detroit avec un goût de malaise dans la bouche, sans vraiment savoir quoi penser de ce que j'ai vu. Ce sont mes pérégrinations sur Internet post-séance, et une bonne nuit de...

le 15 oct. 2017

42 j'aime

11

Detroit
Behind_the_Mask
7

Chauffé à blanc ?

Le cinéma de Kathryn Bigelow, on en connait la force. Surtout depuis Démineurs et Zero Dark Thirty. La réalisatrice récidive ici, avec Detroit. Pas étonnant, me direz-vous, vu que Mark Boal a été...

le 13 nov. 2017

41 j'aime

9

Du même critique

Detroit
Armand_P
7

Une histoire passée pour un manifeste au présent

« Nous ne sommes pas encore libres, nous avons seulement atteint la liberté d'être libres. » C’est par cette citation de Nelson Mandela que pourrait commencer le nouveau film de Kathryn Bigelow. En...

le 9 juil. 2018

1 j'aime

Faute d'amour
Armand_P
8

Faute d’amour : entre silence et cri

Après Léviathan, Andreï Zviangintsev signe un nouveau drame remarquable qui oscille perpétuellement entre poésie et horreur. Aliocha, un enfant au manteau rouge sort d’une école, la caméra le...

le 8 juil. 2018

1 j'aime

1

Happy End
Armand_P
7

Fable noire des temps mordernes

C’est par un écran d’iPhone filmant et commentant l’agonie d’un hamster que s’ouvre le dernier film de Michael Haneke. Direct, brutal et sans concession, il n’est pas sans rappeler l’ouverture d’un...

le 9 juil. 2018

1 j'aime