L’introduction est vraiment bien sentie. En l’espace de quelques minutes d’une voix off plaquée sur une animation de peintures naïves, nous venons de passer en en revue 100 ans d’histoire de l’immigration sud-nord, pour comprendre sur quelle poudrière on se trouve. Les 25 premières minutes sont construites avec une telle maestria qu’elles donnent le tournis. Nous sommes emportés dans un tourbillon au sein duquel émerge successivement les protagonistes du récit, sans que nous sachions trop dans quelle direction va partir l’histoire. Ce que nous ne cherchons pas du tout à savoir, tant il est bon de se laisser porter par ce vent de folie qui s’empare de la ville et du film. La mécanique est implacable, et la fuite des sympathiques choristes vers l’hôtel Algier nous laisse sentir que ce lieu ne sera pas anodin pour la suite de l’histoire. On se délecte dès lors de la découverte de la “faune” de l’hôtel, tant on sent que c’est là que va se jouer le cœur de l’histoire, sans vraiment se douter de quelle tournure elle va prendre.
Ne reste qu’à craquer l’allumette, ce dont Catherine Bigelow se charge immédiatement en nous plongeant dans une descente de flics dans un tripot. Le rythme est soutenu, le cadrage serré, le montage saccadé, la chaleur palpable. Le dispositif se met en place: on est dans du documentaire caméra épaule, en immersion totale, dans le mouvement. Il n’y a pas de demi mesure dans la caractérisation des personnages, on comprend vite qu’on aura pas le temps de tergiverser, les “méchants” sont méchants, et font avancer la narration avec la délicatesse d’un bulldozer sur un green de golf. Et c’est tant mieux ! Les 25 premières minutes sont construites avec une telle maestria qu’elles donnent le tournis. Nous sommes emportés dans un tourbillon au sein duquel émerge successivement les protagonistes du récit, sans que nous sachions trop dans quelle direction va partir l’histoire. Ce que nous ne cherchons pas du tout à savoir, tant il est bon de se laisser porter par ce vent de folie qui s’empare de la ville et du film. La mécanique est implacable, et la fuite des sympathiques choristes vers l’hôtel Algier nous laisse sentir que ce lieu ne sera pas anodin pour la suite de l’histoire. On se délecte dès lors de la découverte de la “faune” de l’hôtel, tant on sent que c’est là que va se jouer le coeur de l’histoire, sans vraiment se douter de quelle tournure elle va prendre.
C’est là encore un tour de force de la réalisatrice, nous faire savourer ces instants de quiétude au milieu de la tempête, comme un teenage movie, au sein duquel on ne peut que se prendre d’affection pour ces personnages simples et naïfs. Nous les accompagnons donc dans leur moment de relâchement, en sentant bien que la folie environnante va bientôt les rattraper, sans que l’on sache trop comment.
Et comme souvent dans les (bonnes) histoires, le drame est attiré par le protagoniste lui-même. L’histoire bascule. De la chronique effrénée d’une hystérie collective, on bascule soudain dans le huit clos suffocant, véritable sujet du film. Là encore, la réalisation au plus près des personnages nous rend la (longue) scène encore plus inconfortable, en nous y faisant participer au plus près, que nous le voulions ou non. Car le caractère insoutenable de ce qui suit a de quoi rebuter. Mais c’est là que le gros bémol du film se fait sentir. Je ne suis pas un inconditionnel de Robert McKee, mais je me permet quand même de lui reconnaitre le mérite d’avoir formulé ceci: “une émotion est une expérience relativement courte et énergétique, puis qui se consume”. Difficile de dire combien de temps dure la “scène de l’hôtel Algier”. Ce qui est sûre c’est qu’elle est loooooooongue. Intense. Mais longue. Si bien qu’au bout d’un moment, l’intensité s’estompe. Non pas que l’on s’accoutume facilement à la barbarie, mais l’absence de retournement dramatique durant ce qui parait être un bon 1/3 du film fait perdre petit à petit de sa force au procédé narratif qui avait si bien fonctionné jusque là. En voulant être en tout point exhaustif, la scène s’étire, et notre émotion avec.
Du coup il ne reste plus beaucoup de temps pour développer la troisième partie du film, la plus hallucinante d’un point de vue moral, la moins réussie d’un point de vue cinématographique (en comparaison du reste du film, qui avait placé la barre très haut). Le suivi judiciaire donné à la bavure policière, et la misère psychologique des personnage que le drame aura détruit est au fond le sujet principal du film. Elle arrive malheureusement un peu tard dans la narration, et aurait mérité à mon goût de bénéficier d’un traitement plus approfondie.
Mais c’est du pinaillage de ma part, dans la mesure où le film dans sa globalité est plutôt une réussite. On ne va pas revenir sur sa raisonnance avec la succession de bavures qui ont émaillées l’actualité US des 2 dernières années, retenons surtout la qualité de la mise en scène, le travail impressionnant sur les décors et costume qui nous plonge vraiment au coeur des années 60.
Souhaitons au film toute la réussite qu’il mérite.