Un regard
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le 27 janv. 2020
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Contrairement aux apparences, cette première réalisation de Filippo Meneghetti, en même temps co-scénariste avec Malysone Bovorasmy, n’est pas essentiellement ni exclusivement un film sur le couple. Pourtant, l’affiche présente deux visages qui se font face, les mains jointes et les regards perdus l’un dans l’autre. Et le titre semble annoncer le « Deux » du couple. Mais un couple qui ne saurait faire qu’un, puisqu’il s’agit d’un couple qui se vit dans une semi-clandestinité, couple saphique qui n’ose encore clamer au grand jour son bonheur. Les immenses Barbara Sukowa (Nina) et Martine Chevallier (Madeleine) donnent vie à ce duo féminin, qui dissimule sa relation sous les dehors d’un voisinage amical, à la faveur de deux appartements jumeaux.
De fait, le nombre « deux » va scander le film, mais plutôt pour séparer le couple que pour le favoriser : redoublant ces deux appartements, deux vérités coexisteront, celle du couple, charnellement, sensuellement vécu, et celle mise en avant dans une officialité froide et respectable ; les deux enfants de Madeleine (Léa Drucker et Jérôme Varanfrain), loin de permettre deux réactions opposées, se coaliseront dans une même condamnation du couple ; un couple qui aura deux vies : celle, libre mais secrète, permise par le bonheur du lien, et celle, entravée, condamnée, consécutive à l’AVC de Madeleine ; un couple hanté par l’image onirique et récurrente de deux petites filles dont les jeux auront été soudainement interrompus par une disparition : noyade ? ressort fantastique ?...
Ce premier long-métrage n’est pas sans reproches : une exposition peut-être un peu longue, idéalisant le lien entre femmes, tout de douceur, désir et tendresse, jusqu’à la dispute qui précipitera l’action ; une certaine maladresse, trop souvent, dans les dialogues, heureusement voulus rares, d’où une raideur, par moments, dans le jeu. Il n’empêche : les qualités également présentes permettent de dépasser ces restrictions et de se retrouver finalement happés dans la progression de l’intrigue, qui gagne en force et en cohérence à partir du moment où l’adversité s’installe. On apprécie ainsi l’utilisation de l’espace, et notamment de ces deux appartements qui, par-delà leur gémellité, révèlent de profondes différences, des oppositions, même, dans leur organisation et l’usage qui en est fait : autant l’un, bien bourgeois, saturé de souvenirs et de bibelots, illustre le maillage des convenances, de tout ce qui freinera l’avancée et l’affranchissement, autant l’autre, singulièrement vide, traduit l’attente immense uniquement placée dans la partenaire, et le caractère bohème, affranchi jusqu’à être désancré, d’une vie entièrement livrée au flux des sentiments. L’utilisation du son est également intéressante, les bruits du quotidien (friture, minuterie, moteur de machine...) se voyant volontiers utilisés comme transition vers une musique, un rythme, souvent obsédants, disant la monomanie de la passion, voire ses dangers. Si bien que le drame psychologique, dans l’acmé du scénario, côtoie le thriller...
Au bout du compte, le propos, plutôt que centré sur un couple homosexuel féminin et les obstacles auxquels il se heurte, semble bien davantage s’attacher à faire affleurer la rigidité du regard des enfants, même devenus adultes, lorsque celui-ci se porte sur la vie amoureuse et, pire encore, sexuelle, de leurs parents. Apparaît alors la tyrannie prescriptive, séparatrice et nocive qui peut en résulter, et qui a de quoi laisser songeurs les spectateurs. On se consolera avec la beauté du plan final, réunissant les deux femmes dans un appartement saccagé, faisant fi des convenances et des apparences trompeuses, puisque toutes ces décorations se retrouvent jetées au sol, rendues à leur vacuité.
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le 28 janv. 2020
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