Première chose qui frappe et qui intrigue fortement : la présence de Barbara Sukowa, du haut de sa soixantaine avancée et magnifique, dans un rôle dont l'émancipation chevillée au corps mais menacée forme un écho très lointain mais tout aussi tenace avec son rôle dans Lola, une femme allemande, il y a près de quarante ans chez Fassbinder. L'expérience est vraiment troublante, même si le (premier) film du réalisateur italien Filippo Meneghetti n'a pas du tout la même portée et les mêmes enjeux. Tout dans Deux est en réalité porté par le duo d'actrices principales, incluant Martine Chevallier, et dans la nature de leur relation amoureuse, à la fois intense, sincère, hésitante, et instable par nature puisque la famille de cette dernière n'est pas au courant.


Il y aurait beaucoup à redire sur les maladresses du film, sur la pauvreté de certains dialogues, sur la faiblesse d'écriture de certains personnages secondaires (l'aide-soignante et la fille surtout, encore que le personnage de Léa Drucker est doté d'un beau potentiel pas vraiment exploité), sur certains effets de manche pas hyper constructifs (le cambriolage final annoncé une scène plus tôt, par exemple). Mais les scénaristes sont parvenus à esquisser une relation sentimentale dont on ignore tout le passif mais qui s'établit naturellement, dans sa passion comme dans ses contraintes. Et la configuration, très crédible, de ces deux femmes qui ne sont que deux voisines pour le reste du monde, est le terreau fertile pour le développement d'une situation éminemment compliquée lorsque l'une d'entre elles fait un AVC et perd une partie de ses capacités. Cette sensation de tragique est très bien amenée, et renforcée par quelques scènes percutantes comme celle où la caméra se concentre sur les yeux de Chevallier qui alterne entre les deux interlocutrices (sans que ces dernières ne la regardent), prisonniers d'un corps presque immobile.


La pudeur de la mise en scène est particulièrement appréciable, tout comme le jeu avec les deux appartements et les doubles vies en toile de fond. Le mélange de complicité presque enfantine, d'attachement puissant, de souffrance soudaine, est très réussi et donne à la scène finale, danse intime sur fond de Betty Curtis (Sul Mio Carro) au milieu de l'appartement retourné, une certaine force. Point de chute d'une dernière partie construite autour d'un suspense grandissant et d'un coming out à demi-raté assez bien gérés.


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Morrinson
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le 17 janv. 2024

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