Je reviens sur ce film antediluvien parce que je veux rendre justice à la prestation de Michel Serrault qui n'a pas été saluée dans aucune des critiques lues ici. Beaucoup la voit comme une resucée de son rôle dans la Cage aux Folles et le lien est évident. Le jeu délirant de Serrault qui y atteint l'outrance sans se vautrer dans la caricature (contrairement à l'écriture de son personnage d'Albin/Zaza, il faut l'avouer) est une sorte de génie d'équilibre. Mais la Cage aux Folles est une pièce/un film sur l'homosexualité, avec une représentation particulière de l'homosexualité, celle des "folles" (hommes efféminés), ce qui n'est pas du tout le propos de Deux heures moins le quart avant Jesus Christ.
Là, Serrault est César, un empereur romain non identifié qui incarne l'oppression coloniale alors qu'il est personnellement uniquement préoccupé par sa lourde condition masculine qui le désole. Dès lors, son rôle multiplie les interventions complètement hors-sujet qui sont un des ressorts les plus cocasses du film (l'élaboration d'un complot politique qui dérape en l'initiation d'une sexualité différente), ce qui génère les dialogues (ou plutôt les monologues) les plus hilarants. Ainsi, il se réjouit que les révolutionnaires brigades pourpres aient fait sauter sa statue car il n'en n'aimait pas le costume et envisage de la faire refaire avec "des plis sur le devant". Il réagit à l'idée d'épouser Cléopâtre pour raisons politiques en pouffant à l'idée de se retrouver avec "une bonne femme sur les bras et des chiards partout". Et puis, il y a ce moment de bravoure où, entraînant Coluche dans une ronde vertigineuse, il se lamente sur "l'atroce partage, l'infâme distribution où seule la femme a tout reçu des dieux", alors qu'il s'est grimé en son objet du désir, un petit brun (un peu gros) pourtant peu attrayant. Les apparitions de Serrault dans ce film sont quasiment toutes "cultes" et s'est à se demander quelle est la part d'improvisation de l'acteur dans ses scènes à pleurer de rire.
Le reste du film est assez moyen, débordant jusqu'à l'overdose de gags anachroniques un peu lourdingues, avec un Coluche qui, s'il était un génie de l'ironie dans ses sketches, ne s'est pas vraiment illustré dans ses rôles comiques au cinéma et une Mimi Coutelier, mannequin compagne de Jean Yanne à l'époque, dont le non-jeu est presque fascinant. Quelques petites perles musicales disco égayent l'ensemble, un point que Jean Yanne semble parfaitement maîtriser depuis "Je te tiens, tu me tiens par la Barbichette" dans lequel il y a une version disco incroyable du Te Deum de Charpentier repris par la Ritchie Family.