Alors là les jeunots accrochez-vous un peu, c'est une leçon d'histoire. Parce qu'il faut se rendre compte d'où on revient.
J'allume la radio en rentrant et qui j'entendsEntrez une description du lien ici Pierre Bergé, invité de Laure "j'ai lu vot' bouquin" Adler, nous assénant qu'il y a des écrivains "21 sur 20", soit une poignée de gus au XXe siècle (Genet, Giono, Aragon, Proust bien sûr...).
Alors quand Michel Serrault se lance dans sa tirade sur "l'homme, c'est laid" dans le film ci-traité, où se situe-t-il sur l'échelle du pathos emphatique et précieux, si on le compare à l'extrait (diffusé dans la même émission) où Aragon nous lit un de ses textes engagés? A peine 3 sur 20, je dirais.
Ce sont des siècles de culture dominante et autocongratulée, échappant à l'examen du vulgaire, engoncée dans sa chaude fatuité, et dont ne sont parvenues jusqu'à nous que ces bribes significatives (bouts de films de Sarah Bernard sur scène, discours de Malraux singeant de Gaulle, enregistrements de lectures de poèmes comme celui d'Aragon) , reliquats d'une époque dont de preux avant-gardistes de la vulgarisation s'ingénient à nous faire goûter le sel (ce dont sont bien incapables les notateurs de la masse sur 20, ces professeurs raseurs qui se lamentent de ne savoir faire apprécier toute cette belle culture officielle aux jeunes têtes vides et chevelues).
Les descendants de ces pompeux fabricants d'art de qualité supérieure label appellation contrôlée, hantent encore les coulisses et les scènes, et les plus prestigieuses écoles où se transmettent la geste et l'esprit d'une plus glorieuse époque. Je me contenterai pour m'en faire une idée, du témoignage de Daniel Emilfork dans le petit livre hommage qui lui fut consacré par un ami tardif. On lui avait proposé d'enseigner dans une école de comédie, mais il n'a pas supporté le type d'engeance à laquelle il était supposé se saigner à enseigner - il se contenta pour notre compréhension, d'évoquer un repas au restaurant durant lequel ses pupilles commandaient sans daigner porter un regard au serveur.
Lorsque l'art sert de marqueur social, de la même manière qu'un gros bateau, que cela soit le fait d'ex prolos machistes qui se serrent la main de manière élaborée et démonstrative, ou d'inverties officielles qui se font ostensiblement la bise, ni le talent individuel, ni la contestation sociale n'ont leur place - c'est le monde des gens en place.
Mais comme j'ai déjà dit au sujet d'Harvey, mieux vaut avoir mal au cul un soir qu'un lumbago pour toute la vie, qu'est-ce qu'une petite compromission si elle assure une carrière sous le blanc-seing des authentificateurs de valeur ?
Quant au film, il vaut comme la plupart des comédies françaises par quelques prestations mémorables - un César chochotte, et un gardien de fauves qui commente les goûts culinaires de son lion adoré (lequel ne se contente pas de bouffer chrétien). Pour le reste (il faudra déterminer si le populo se distingue tellement du Grand Art sur ce point), il est doublement dérivatif : nonobstant la fascination française pour l'archéologie égyptienne, le modèle est à trouver moins en Orient qu'Outre-Manche et Atlantique - La Folle Histoire du Monde de Mel Brooks, et La Vie de Brian des Monty Python.
Lorsqu'il s'agira pour un quelconque chef d'Etat en fin de vie aspirant à une temporaire immortalité, de se prendre pour un pharaon, là, on ira chercher les pyramides - et la bibliothèque d'Alexandrie tant qu'on y est, histoire d'avoir fait le tour des antiquités.