Dans sa Bulle
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Deux Moi a l’intelligence de tout redoubler, des situations vécues par chacun des deux protagonistes principaux – et qui s’ouvrent aux autres personnages en présence, notamment les deux psychologues, les deux familles – au cinéma de Cédric Klapisch lui-même qui trouve ici une synthèse brillante de ce qui le fonde. Tout redoubler ? non ce n’est pas vrai. Il n’y a qu’un seul chat. Et c’est ce seul chat qui est à l’origine de la rencontre : son évasion hors du domicile de Rémy intervient au beau milieu du film, coupe ce dernier en deux parties d’un miroir qui, tendues l’une face à l’autre, décuplent les possibles, révèlent la pluri-dimensionnalité du monde et la propension de l’amour à en être le véhicule (ou le moteur, pour parler mécanique). Du chat à l’épicier, de l’épicier au cours de danse. L’amour au rendez-vous.
La société contemporaine dans laquelle s’activent péniblement nos deux personnages est une collection d’instances de dépossession de soi : le travail enferme, le restaurant se livre à domicile, la technologie donne l’illusion d’une rencontre humaine entre deux êtres et qui n’est en réalité que le résultat matériel d’un algorithme tout-puissant destiné à pallier un besoin sexuel, puis recommencer de plus belle. Encore et encore.
Pour accentuer leur isolement, Klapisch n’a pas son pareil pour composer des plans à la fois superbes et forts d’un symbolisme diffus : quand Mélanie reçoit la visite d’Agathe, quand les deux femmes se parlent dans la cuisine, c’est dans deux couleurs qu’elles apparaissent, correspondant à la couleur de leurs vêtements – le vert d’Agathe, le rose orangé de Mélanie. Pas de dialogue possible, seulement la juxtaposition de deux conceptions du monde qui ne peuvent entrer en contact. De même Rémy souhaite-t-il emprunter un chemin qui mène à l’église ; ses parents refusent, il vaut mieux se contenter de suivre le parcours habituel, ne pas innover, ne pas parler des choses qui fâchent ou qui font mal. Pourtant c’est par la parole que les cœurs se pansent, se pensent : en témoignent les séances de psychanalyse qui de faire-valoir grotesque se changent progressivement en espace de méditation et de médiation par l’autre vers soi. D’où le titre. D’où son singulier.
Deux Moi est un chef-d’œuvre d’immunothérapie qui se propose de soigner le cancer de la solitude par l’échange qui s’établit entre deux corps étrangers, d’abord étrangers et qui s’apprivoisent le temps d’une dance. Cédric Klapisch apporte à cette renaissance par l’autre et en soi une beauté plastique prodigieuse, preuve que le cinéma français est capable de s’emparer de sujets de société sans laisser de côté l’art, sans laisser de côté le cinéma avec lequel il communie merveilleusement. Un immense film.
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Créée
le 3 févr. 2020
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