Pas de pot pour Allan
Le film à sketches, j’y crois assez peu, surtout lorsqu’il est composé de plusieurs parties sans lien évident et réalisé par plusieurs réalisateurs. C’est évidemment le cas de ces Deux yeux...
le 19 nov. 2023
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Revoir Opéra il y a deux jours, en présence de Dario Argento, m’a redonné envie d’explorer la filmographie de ce dernier. Le film était inégal, mais en terme d’ambiance et de mise en scène, Argento a un style qui lui est propre et qu’on ne retrouve chez aucun autre réalisateur.
J’ai déjà vu tous ses essentiels, mais parmi ses films que je n’avais pas encore vu, il restait Deux yeux maléfiques, qui garde encore une note au-dessus de la moyenne sur SensCritique.
De plus, c’est un film en deux parties, dont l’une est signée par nul autre que George Romero.
Les deux avaient déjà collaboré d’une certaine façon, puisqu’Argento s’était occupé du montage Européen de Dawn of the dead.
Les deux histoires s’inspirent de nouvelles d’Edgar Poe, et la première, "The facts in the case of Mr Valdemar", est celle de Romero, qui a aussi écrit le scénario. Le pitch est très intriguant, et les dialogues bien écrits et interprétés avec soin.
Jessica Valdemar est l’épouse d’un vieux millionnaire tyrannique, sur le point de mourir. Elle complote pour toucher l’intégralité de l’héritage, avec l’aide de son ex, engagé comme médecin. Celui-ci, grâce à ses connaissances en hypnose, force le mourant à procéder aux démarches nécessaires pour le legs.
L’originalité des situations, et le caractère particulier des personnages et de leurs rapports rendent l’intrigue très prenante. D’autant plus que la BO de Pino Donaggio a un aspect envoûtant, comme souvent.
Le vieil homme meurt trop tôt, or sa femme et son amant doivent continuer à faire croire qu’il est encore vivant s’ils veulent toucher quoi que ce soit.
S’ensuit une série d’événements étranges, à la justification que je trouve géniale, à la fois drôle et glauque.
Romero arrive à créer une assez bonne ambiance angoissante, et joue beaucoup sur le pouvoir de la suggestion, en invoquant une menace qui reste longtemps indistincte.
J’imagine que c’est en cela que le film rejoint l’esprit des histoires d’horreur d’autrefois, que ce soient celles de Poe ou de Lovecraft, qui effrayaient par de simples évocations.
Je pensais que le sujet de l’hypnose n’aurait qu’une seule fonction dans l’histoire, mais finalement c’est exploité par plusieurs idées brillantes. Au passage, j’aime beaucoup le design moderne du métronome qui sert à l’hypnose ; j’ignore s’il a été créé pour l’occasion, si oui ce n’était pas utile mais j’apprécie.
Je regrette uniquement quelques jumpscares un peu nazes, et les fantômes dans des tenues moulantes en lycra…
Je n’en attendais pas grand chose, et j’ai été très surpris.
Disons 7/10 pour cette partie.
"The black cat", la partie d’Argento, fait direct bien moins dans la suggestion, en nous exposant dès la première séquence à des visuels trashs.
L’Italien fait moins dans la subtilité : le héros, photographe de presse, se nomme Usher, et débarquer sur une scène de crime avec une guillotine sur un pendule (pigé ? maison Usher, le puits et le pendule, …)
Le boulot du protagoniste semble n’être qu’une excuse pour présenter quelques meurtres trashs tout au long du film.
Usher est incarné par Harvey Keitel qui, peut-être pour lui donner un côté "artiste", se voit affublé d’un béret et d’un nœud papillon qui ne lui vont vraiment pas.
Sa femme adopte du jour au lendemain un chat noir, que le héros ne tarde pas à étrangler. Et juste quelques jours plus tard, les photos de ce meurtre ont déjà été publiées dans un album, avec les images des scènes de crime. N’importe quoi.
On ignore si c’est le métier d’Usher qui lui est monté à la tête, ou si c’est l’alcool, ou juste son agacement envers le chat qui l’a poussé à le tuer… Si c’est tout ça à la fois, ça me paraît excessif, et si ce n’est qu’un seul de ces éléments, l’incertitude est problématique pour la caractérisation du personnage. Car on nous montre Usher virer de temps en temps dans la folie, sans qu’on comprenne pourquoi.
Keitel peut s’énerver soudain pour un rien, ce qui est risible, et il part en roue libre quand il doit jouer la folie. Il balance des "fucks" à tout va, et se met même à miauler sans raison quand il parle de ce "fucking cat" ! A croire qu’il s’est pris pour Nicolas Cage.
Usher rêve qu’il se retrouve au moyen-âge, et il est jugé par une assemblée de sorciers, qui annoncent qu’il verra comment il va mourir dans le pelage du chat.
C’est là que je me suis dit qu’Argento avait pété les plombs. Que le héros ait un rêve prémonitoire, ok, mais pourquoi… ça ?
Le héros connaît une gradation absurde dans la violence, à la justification bancale. Et on laisse momentanément de côté l’intrigue avec le chat, pour montrer comment Usher camoufle ses crimes. Le film part décidément dans trop de directions à la fois.
Des scènes sont assez bêtes : le meurtrier qui prend le temps de déplacer le cadavre, lui faire couler un bain, et de se doucher avant d’ouvrir au voisin qui sonne à la porte, sans même lui avoir dit un seul mot pour le faire patienter.
Et le jeu des acteurs manque de naturel, le pire étant celui de la serveuse, dont la facticité est renforcée par les cadrages très frontaux.
Keitel semble peu convaincu aussi, qu’il soit amorphe ou qu’il enrage.
Rien de spécial dans la réalisation non plus, on est très loin de ce qu’on a l’habitude de voir chez Argento. Quelques brefs plans avec une jolie photographie, beaucoup de steadycam et de travelling… c’est tout ce qui sort de l’ordinaire.
Là du coup je comprends mieux la moyenne pas terrible de Deux yeux maléfiques.
Je mettrais 3/10 à cette seconde partie.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de Dario Argento et Les meilleurs films de George A. Romero
Créée
le 14 déc. 2016
Critique lue 892 fois
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