En deux mots : la meilleure porte d'entrée pour le cinéma indien, un peu classique, résolument spectaculaire, à la fois ambitieux et appréciable malgré les excès mélodramatiques.
Trente-deuxième adaptation d'un roman bengali éponyme, écrit par un certain Sarat Chandra Chatterjee en 1917.
La traduction en français est disponible aux Belles Lettres (François Gautier, 2006) pour les plus curieux.
Il arrive que le film soit projeté en salle - à Paris surtout - (y courir), en plus d'être disponible en DVD avec un sous-titre français décent.
Le raffinement des costumes
Les costumes sont d'une richesse et d'un raffinement époustouflants, inspirés des tenues de la cour moghole (les kurta blanches de Shah Rukh Khan, shalwar kameez - tuniques et pantalons - des danseuses, au lieu du sari hindou).
La magnificence des décors
Les décors sont ceux de la fin d'un monde (fin 19eme siècle, début 20e - le début de la déliquescence coloniale) : deux havelis (grandes propriétés luxueuses) époustouflants (l'image est souvent bombée pour avoir la totalité du décor dans le champs, ça se voit à plusieurs reprises), une ville temple, etc.
Les chorégraphies éblouissantes
Dans la grande tradition du cinéma indien, on chante et on danse. Ici, chaque séquence appartient pleinement au déroulé du scénario.
Les chorégraphies sont élaborées et pleines d'entrain, quelquefois filmées d'au-dessus comme dans certaines comédies musicales américaines de la fin des années 20. La présence de la vraie danseuse classique qu'est Madhuri Dixit (la courtisane - tawaif en ourdou, si l'on est sensible à la couleur des dialogues) donne une touche particulièrement réjouissante.
Les musiques et les chansons sont amples et maitrisées, avec une danse de la bouteille d'une folle dynamique.
Une interprétation convaincante avec une tête d'affiche en triade irréprochable.
Shah Rukh Khan
Shah Rukh Khan (Devdas) d'un magnétisme époustouflant à l'écran : on se prend une bouffée cyclonesque de temps en temps, sans comprendre ce qu'on vient de traverser - une mégastar, peut être the only one) - entre costume parodique de gentleman britannique à nœud papillon ridicule et névrose alcoolique, à la fois rageuse et démonstrative.
On peut voir Chhalak Chhalak, une des danses du film : celle de la bouteille. La qualité de la vidéo n'est pas aussi bonne que dans le film, mais cela donne un avant-goût.
Une Madhuri Dixit très rôdée
Madhuri Dixit, dans le rôle de la courtisane Chandramukhi, a déjà une longue carrière derrière elle (elle est née en 1967 et a fait ses débuts dès 1984). Elle est ravissante et habite avec aisance son personnage d'amoureuse éconduite.
Aishwaria Rai, la plus belle femme du monde
C'est la débutante Aishwaria Rai (née en 1973) qui reprend le rôle de Parvati / Paro (elle a à vrai dire beaucoup amélioré son jeu depuis (une ex miss monde passée dans le monde du cinéma). Elle réussit à glisser de la jeune fille un peu sotte vers un personnage impérialement aristocrate au fil du film.
Ce rôle lance véritablement sa carrière de manière internationale.
Une belle poignée d'acteurs historiques et extraordinaires dans les seconds rôles (les mères, les compagnons de soirée, les domestiques etc).
La direction d'acteur est malheureusement un brin fatigante. Ça larmoie un peu, voire souvent, en tout cas trop (la part mélodramatique est un vrai bémol, surtout pour une supposée tragédie).
Bhansali peine à faire monter le drame amoureux au rang de tragédie : mettre en place une ambiance gothique, et partir de la lâcheté du héros pour faire monter en tonalité est un défi peu gagné.
La construction narrative est élaborée (montage parallèle, flashbacks, personnages qu'on ne voit pas complètement etc).
Une apothéose
C'est une quintessence de cinéma indien, avec tous ses excès ("larger than life") et ses ridicules (dans le jeu d'acteur et le sentimentalisme, névrose et masochisme par touches, symptômes de tuberculose pour un excès d'alcool - vraiment ?), une sensualité énorme (une scène de danse torride au clair de lune, et visible en famille quoi qu'il en soit).
Une magie désarmante.