Film un peu froid mais d'une grande virtuosité technique

Le sujet est a priori assez loin de mes propres préoccupations. Une (fausse) famille de trois immigrants srilankais (sans aucun vrai lien familial ou de sang entre eux) accueillie en France et tentant d'y faire son trou dans des conditions d'installation évidemment difficiles (problèmes d'argent, de langue, de culture, de toit et job à trouver + problèmes d'entente entre les membres de cette "famille" de pures circonstances), très honnêtement j'ai eu un peu de mal durant la première demi-heure à me passionner pour les problèmes d'adaptation de ces réfugiés tamoules parachutés dans une banlieue sensible de la région parisienne.
Mais Jacques Audiard sait raconter une histoire, éveiller l'intérêt du spectateur pour les personnages qu'il lui montre et le tenir en haleine par les ellipses de son récit, la part d'ombre qu'il lui laisse, et les brutales accélérations qu'il lui donne. Cette "famille" srilankaise (Dheepan dans le rôle du "père" + la jeune "mère" + la petite fille) qui a fui la guerre à Ceylan, découvre graduellement une guerre des gangs là où ils (les deux adultes de cette cellule familiale recomposée) exercent vaille que vaille des fonctions de gardien d'immeuble et de femme de ménage. Et quand il le faudra, Dheepan, l'ex-guerrier tamoule, saura faire face et régler miraculeusement les problèmes (nous rappelant, si on l'avait oublié, qu'on est au cinéma). Et happy end.
Beaucoup de virtuosité technique de la part du réalisateur, une bonne direction d'acteurs, aucun pathos, un montage extrêmement nerveux, des (gros) plans si bien cadrés qu'ils rendent palpitant le simple fait de gravir les escaliers d'un HLM jusqu'au 9ème étage. Le film (Palme d'or à Cannes cette année) m'a finalement captivé. Sans doute moins par son histoire que par l'habileté de celui qui nous la raconte.