Un demi-chef d'oeuvre ou une demi-catastrophe

Dheepan est un film qui ne laisse pas indiffèrent au vu de son sujet d'actualité : la migration et l'identité.
Dès le début du film, on est plongé dans le quotidien de Dheepan et dans la découverte de son pays d'exil. Il y a bien distinctement deux parties au film : la première est une vraie réussite dans le genre mais la seconde laisse un gout amer après visionnage. Ce film est bourré de qualités (bien filmé, des axes de traitement vraiment intéressants...) mais aussi de défauts, ce qui donne une impression vraiment mitigée. Je vais développer ces points là après cette brève introduction donc tout ce qui n'aurait pas vu le film, je vous conseille de le voir car il y a des choses vraiment intéressantes dedans et gare à vous car ca risque de spoiler un peu.

Identité et intégration

Le film nous plonge dans la vie de Dheepan, de sa fausse épouse et de sa fausse fille. Ils ont du changer leurs papiers pour passer les frontières et se retrouver en France. Dheepan doit trouver un boulot et un logement. Il n'a pas d'argent donc il doit se contenter de vendre des gadgets devant la tour Effel avant de trouver un logement sur Paris. Il trouve un logement social dans la banlieue et effectue le boulot de gardien : il nettoie les merdes des autres. Pendant ce temps, sa femme doit prendre soin d'une personne agée pour 500 euros par mois. Sa fille doit aller à l'école et s'intégrer avec la difficulté de la barrière de la langue. Elle a d'ailleurs beaucoup de mal à se faire à sa nouvelle vie, elle est effrayée d'être vue différemment et d'être isolé. Le film prend son temps, laisse place au silence et à la magnifique interprétation des deux acteurs principaux sans influer de patos, on est dans le quotidien d'une famille en galère qui a du mal à sourire aux gens, qui ne sait pas s'exprimer correctement en Français et qui souffre du rejet ou du désintérêt massif porté à leur égard. C'est une survie et une souffrance portée par une très bonne réalisation et par une vraie beauté des scènes : la violence de certaines scènes et des émotions sont amenés subtilement ( du moins dans sa première partie) mais hélas tout cela ne va pas durer pendant tout le film

Ceux dont les artères ont tété du bâtiment très tôt
Te font le topo sur une planche et deux tréteaux
Primo : si ça pue le gaz ça sera pas de la lacrymo
De deux : banlieue égale ceinture de feu La Rumeur

Je présente cette seconde partie par les paroles du groupe La Rumeur qui me semble adapté au concept de la seconde partie du film. Audiard veut parler des banlieues et veut placer ca dans son film. Il y a également le statut d'ancien soldat de Dheepan et le fait que sa nature violente ressorte et ce passage du film se loupe complètement. Alors que le ton du film était plutôt bon jusqu'à présent, le film part dans les fusillades dans les banlieues et massacre son postulat de départ qui était l'intégration et l'immigration. Audiard vent parler de trop de choses en même temps mais surtout il en parle très mal.
Dheepan se met à tuer tous les méchants de la banlieue (!) et sauve sa dulcinée tel un héros de guerre.
Du coup, l'amalgame est crée bouhou les banlieues francaises sont trop méchantes et d'ailleurs c'est pour cela que Dheepan et sa femme décide d'aller en Angleterre, en Angleterre on est bien intégrés comme le montrent les images de joie de Dheepan à la fin. C'est dommage d'étaler ses mauvais clichés et de ne pas continuer le film dans sa lignée et dans son sujet qui était la migration et son intégration. Le film est baclé et donc mal foutu sur le plan du scénario, le scénario est pas bon du tout. Quel dommage de bousiller tout ce qui a été entretenu durant la première partie parce que c'était un film vraiment super et bien traité.

Dheepan est une demi-déception et une demi-réussite. Un film fort par moment, prenant par les tripes mais qui se foire totalement dans les grandes lignes durant sa seconde partie. Ca reste un assez bon film mais qui ne mérite pas la palme d'or à cause de sa négligence... Quel dommage !