Son rêve, à Liane ? Son rêve, c’est Miracle Island, et rien d’autre, et dont elle vient de passer le casting pour la prochaine saison. Son monde ? C’est celui des faux ongles et des faux cils, des lèvres gonflées, des seins et des fesses avec implants. C’est celui de la télé-réalité pour lequel elle donnerait tout (et même prête à se tuer, dira-t-elle) parce que Liane veut être une star, une influenceuse comme on dit aujourd’hui. Un monde avant tout d’apparences et de superficialité où tout repose sur un certain type de physique imposé par des normes (avec Kim Kardashian comme modèle, comme icône ultime) et sur le nombre de vos followers sur Instagram qui, toute la journée, déversent leurs messages d’amour et de haine.
Agathe Riedinger se dit depuis longtemps passionnée, fascinée même, par les émissions de télé-réalité qu’elle considère comme de vrais «sujets d’étude», tout en dénonçant leurs travers les plus évidents : mépris de classe, hypersexualisation de la femme, sexisme ordinaire, valeurs consuméristes, culture du vide et du clash. Le regard qu’elle porte sur Liane et son rêve (son obsession) de célébrité est ainsi dénué de tout jugement, ni plombant si surplombant (même si celui du spectateur ne pourra, lui, s’empêcher de constamment osciller entre bienveillance et atterrement), la filmant comme une guerrière qui conteste toute autorité (parentale, sociétale, masculine). Et qu’importe finalement de savoir si Liane sera retenue ou non pour participer à Miracle Island : c’est son quotidien de jeune fille issue d’un milieu déclassé qui intéresse Riedinger.
C’est ce corps transformé et abîmé, ce corps à la fois aimé et rejeté, incertain aussi de ses propres désirs. C’est sa rage de réussir en revendiquant une féminité exacerbée, clinquante, qui, pour Liane, est une façon et de s’échapper de sa réalité, et de prendre le pouvoir dessus. L’impression que le film tourne en rond va malheureusement finir par s’imposer quand Riedinger, au bout d’une heure, n’aura plus grand-chose à dire sur son personnage qui, de fait, évoluera très peu. Et puis cette envie de vouloir marier, assez maladroitement ou de manière trop flagrante, réalisme brut et envolées stylistiques (et religieuses aussi) finit par lasser, voire par agacer avec ces quelques afféteries superflues ici et là. Un premier film inégal qui sait pourtant intéresser, et même toucher, et même fasciner par instants, et qui révèle surtout une jeune actrice prometteuse, Malou Khebizi, dont le jeu, la présence, s’imposent avec force et générosité, quelque part entre Adèle Exarchopoulos et Hafsia Herzi.
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