Juillet 2001 Silvio Berlusconi, alors président du conseil italien, organise à Gênes la garden party annuelle des maîtres du monde, le G8. C’est devenu une habitude, un contre-forum social est organisé par les mouvements alter-mondialistes et se tient au même moment à travers la ville. Le début du contre –forum se déroule dans une ambiance festive jusqu’à ce que les anarchistes des black-blocs décident de durcir le ton et entrainent indirectement la mort de Carlo Giuliani. C’est alors tout le mouvement alter-mondialiste qui hausse le ton, la ville se retrouve en état de siège, internet coupé, chars dans les rues et circulation réglementée.

Dans la nuit du 21 juillet 2001, les forces de police décident d’investir l’école Diaz, soi-disant pour en déloger les manifestants des black-blocs, tout en sachant que c’est la mairie qui a mis à leur disposition cette école pour qu’ils s’en servent de dortoir. L’opération est improvisée et n’est pas dirigée par des tendres, les policiers sont lâchés dans l’école comme des loups dans une bergerie sous le regard d’une hiérarchie complaisante. Le massacre est total, les policiers frappant toujours et encore comme pris dans une transe de violence jusqu’à ce qu’un homme, un policier, Michelangelo Fournier, décide de regarder ce qu’il fait dise à ses hommes : « Assez ! » et les fasse sortir de l’école.

C’est cet épisode honteux de l’histoire récente de l’Italie que retrace Diaz. Sorte de document vivant, il prend la forme intelligente d’un film catastrophe qui commence par nous faire visiter le forum social à la découverte des organisateurs, des journalistes, du media-center, du service d’ordre et des innombrables nationalités qui se mélangent. On identifie quelques jeunes dont on comprend vite qu’ils seront ceux pris dans la souricière de l’école Diaz. La bande-son monte peu à peu, de plus en plus inquiétante. Des groupes commencent à partir, affirmant que la ville est devenue trop dangereuse, les patrouilles de police se multiplient et on comprend que quelque chose se prépare.

Survient alors la catastrophe, l’attaque (car s’en est une) de l’école Diaz par les policiers, passage insoutenable et incritiquable du film tant le fond prend toute la place. Le réalisme est absolu et mettra les larmes aux yeux des moins sensibles. Le déchainement de violence arbitraire, barbare et aveugle transforme ces policiers lâchés sans consignes en animaux sanguinaires. La caméra, témoin de cette horreur, ne nous épargne rien et nous fait prendre des coups dans l’estomac comme peu de films ont su le faire. La bêtise et l’absurdité de la séquence font également leur travail, nous laissant désespérés devant le constat que l’homme est et sera toujours capable de tels actes. On sent un goût de haine, de colère et de révolte remplir la bouche, sans trouver l'exutoire qui permettra de le faire sortir.

La comparaison peut paraître hasardeuse, mais il faut admettre que les images qu’on nous inflige semblent tout droit sorties des bas-fonds d'un nazisme à la mode italienne, on croit voir les séquelles de l'Italie du Duce. Voir des manifestants à terre, roués de coups et obligés d’imiter un chien. En voir d’autres qui ont été emmenés à la caserne, obligés de traverser un couloir au milieu d’une haie de policiers qui, matraque à la main, les tabassent sourire aux lèvres lorsqu' ils passent devant eux, révoltera même les plus blasés. Cet événement a laissé des traces de coup, ce film laissera aussi des traces dans les esprits.

Nul doute qu’en Italie certains trouveront ce film exagéré mais il y a eu procès et condamnations depuis, il y a donc des faits reconnus par la justice italienne. Ceux d’un événement qui paraît, même avec le recul, impossible. Ceux d’une bêtise humaine dont on espère toujours qu’elle disparaisse, du moins à un tel niveau. Cette haine des communistes que véhiculent ces policiers, cet effacement de l’humanité des jeunes qu’ils avaient face à eux, les sévices, les brimades et la torture doivent définitivement servir de leçon aux dirigeants mondiaux. Ce film est le plus vibrant témoignage du jeunesse qui voulait avoir le droit de parler de ses rêves à ceux qui les ignoraient, ce film est d’une puissance rare, prouvant que le cinéma italien commence non seulement à retrouver des couleurs et à redresser la tête après des années de berlusconisme, mais qu’en plus il retrouve le chemin de la rébellion.

PS : Critique écrite à chaud, peut-être que cela se ressent.
Pour ceux qui voudront aller plus loin Daniel Mermet a consacré une série de ses émissions Là-bas si j'y suis à ces événements, allez faire un tour par ici:
http://www.la-bas.org/
Jambalaya
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le 9 avr. 2013

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Jambalaya

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