Le problème avec le cinéma indien, c'est que l'on a finalement très vite fait le tour. Encore plus fermé d'esprit que la France, les genres et ficelles perpétuelles sont continuellement utilisés : la tragédie amoureuse, le happy-end, la longue durée et les chansons sont ressassés ad vitam aeternam. Quelques noms se sont inscrits durablement dans la culture cinématographique nationale dont le plus illustre est Satyajit Ray et les quelques films qui se sont fait connaître à l'étranger présentent les impératifs précités (au hasard Devdas et La Famille Indienne étant les plus souvent cités). Bref, Bollywood manque encore plus d'idées qu'Hollywood, ce qui ne veut pas dire que tout ce qu'il pond est systématiquement mauvais. Quand bien même la guimauve était de la partie, il y eut de belles réussites ("3 Idiots" et Dilwale Dulhania Le Jayenge" pour moi).
Seulement, dans mon petit palmarès de 8 oeuvres indiennes (si l'on excepte Mr Ray), il y eut plus de ratés qu'autre chose. Trop lourds, trop forcés, trop caricaturaux, trop gnan-gnan, j'avoue que le défi à relever pour me plaire est coriace. Mani Ratnam compte bien s'affranchir de ces Bolly-niaiseries pour nous offrir un film hors des sentiers battus, plus pondéré et plus intelligent. Certes, la classique histoire d'amour naissante est bien là mais elle se fond dans un contexte socio-politique tendu. Les indépendantistes font la guerre au gouvernement pour l'indépendance (logique !) et détruire un régime tyrannique dont les libertés accordées sont nulles. La pauvreté n'a pas disparu, l'oppression est toujours rencontrée en bonne et due forme. La vengeance mais surtout leur désir d'offrir un pays débarrassé de toute dérive totalitaire aux générations futures est la motivation de ces troupes dont Meghna qui fera fondre le coeur de notre héros reporter d'une naïveté étonnamment touchante et non ridicule comme c'est souvent le cas.
Il est vrai, et c'est bien dommage, c'est que Dil Se ne creuse pas assez la politique indienne. Ce n'est pas vraiment étonnant vu les ambitions du réalisateur mais nous aurions aimé avoir un cours un peu plus développé. Au-delà de ça, le long-métrage nous surprend en bien. Les papillons tout mignons et le vomi rose paillettes sont relégués au second plan au profit du drame et d'une histoire d'amour impossible non pas pour des raisons familiales (avec le gros porc de papa qui empêche sa fille de choisir qui elle veut) mais pour des motifs terroristes. Dil Se use ça et là d'une violence pondérée et met en valeur les tensions sociales. Nous ne sommes définitivement pas dans de la Bolly-niaiserie. Même les acteurs n'en font pas trop.
Autre constat que j'ai grandement aimé, ce sont les situations présentées lors des chants. Alors que l'on ne compte plus les chorégraphies faites dans des manoirs luxueux, sur leurs toits ou dans des rues commerçantes, ici c'est tout le contraire. Le jeu est plus intimiste, original et beau. Une scène de conflit, un désert de sable blanc, un train parcourant la forêt luxuriante. B*rdel ça change, merci ! Les puristes râleront juste dans la dernière minute de l'explosion ayant plus la dégaine d'un nuage de farine qu'autre chose.
Pourtant, Dil Se aura fait un flop à sa sortie au box-office. Une belle illustration de la religion du puéril dans les goûts cinématographiques du public indien.