"Et diverge, c'est énorme !" P. Desproges
Divergente rime avec indigente, tant cette histoire d’anticipation qui mange sans vergogne à tous les râteliers du genre, semble avoir été calibrée pour permettre à des adolescents de jouer aux philosophes à peu de frais. Prenez une ville (américaine forcément…), installez-là dans un futur post-apocalyptique et reproduisez-y jusqu’à l’écœurement tous ce que vous avez vu ou entendu sur le sujet résultat : Divergente manque d’inspiration et accouche d’un amas indigeste de références qui ne respectent même pas les œuvres qu’il pille.
Nous sommes donc à Chicago, dans un futur plus ou moins lointain, la ville est encerclée de murs de protection car au-delà, il y a des méchants. On ne saura jamais ce qu’ils sont, juste qu’ils sont méchants. En ville, la société est divisée en cinq castes basées sur des traits de caractères et sensées apporter un équilibre pacifique à la population. Chaque jeune arrive donc un jour à devoir choisir, lors d’une grande cérémonie, la caste dans laquelle il souhaite vivre, sans retour en arrière possible. Parmi eux il y a Béatrice, qui ne sait pas quel choix faire, car elle est divergente et possède donc un « don » pour plusieurs castes. Sauf que les divergents font peur à la caste des « intellos » qui y voient une menace à leur future prise de pouvoir.
Dans ce simple synopsis, on constate que ce film plagie déjà lâchement l’héritage d’illustres prédécesseurs. Passons très vite sur la cérémonie du choix, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la formation des quatre maisons dans Harry Potter, c’en est désolant. On se demande si le système des castes indiennes n’y a pas aussi mis son grain de sel, avec l’interdiction de s’aborder entre castes et l’impossibilité d’en changer. On y retrouve aussi Le Village de M. Night Shyamalan, avec cet extérieur à la ville qui se veut menaçant sans qu’on sache vraiment pourquoi, Shyamalan qui n’avait lui-même rien inventé. Mais finalement, c’est bien envers les plus illustres films du genre que Divergente est le moins respectueux, par son absence de profondeur, de réflexion sur l’avenir et par des facilités de narration qui parviennent même à faire sourire. On pense à Bienvenue À Gattaca, qui déjà traitait du déterminisme social, fondé sur des traits de caractères innés, dans une société dictatoriale.
C’est maladroit la plupart du temps, de cette maladresse adolescente qui serait presque amusante si elle n’était pas si souvent insultante. Ici, elle prend l’apparence de la caste des « audacieux », censés être la police de la ville, mais qui sont en fait une bande de jeunes abrutis yamakazis, qui courent sans cesse en riant comme des imbéciles heureux et grimpent sur tout mobilier urbain qui se présente à eux. L’histoire d’amour est, elle, amenée à coups de pelle genre : Tris grimpe à une échelle, un barreau casse et son futur chéri n’a que le réflexe de lui mettre les mains aux fesses pour l’empêcher de tomber, c’est plein de finesse et de bon goût. Neil Burger enfile pendant 139 minutes des perles et des ficelles si grosses qu’elles auraient suffit à empêcher le Costa Concordia de sombrer.
Le casting est peut-être un peu moins mauvais, peut-être… Shailene Woodley est jolie comme un cœur mais, après un film comme The Spectacular Now, on espérait mieux de sa part et surtout de ne pas se laisser enfermer dans les films pour ados. Du casting de ce précédent film, on retrouve aussi Miles Teller, pas mal du tout en petit con de service, ce garçon se prépare une belle carrière s’il fait de meilleurs choix. Theo James est là pour jouer les beaux gosses et il faut admettre qu’il le fait bien. Mais par contre, Kate Winslet, qu’est-ce qu’elle fait là ?! Si elle est là d’ailleurs, tant elle semble ne rien avoir à faire de son rôle, qu’une actrice de cet acabit puisse cachetonner à ce point dépasse l’entendement, ou alors on lui aura fait croire que Sophia Coppola était à la réalisation ! Ajoutez une bande qui n’a d’originale que le nom, bourrée de morceaux pop d’ascenseur pour adolescents aux goûts musicaux dignes des toilettes de l’A7, un jour de départs en vacances et vous aurez le film de l’année à avoir le mieux ignoré son potentiel, comme Roxanne le fit avec Cyrano.
Bref, ce film ne peut s’apprécier qu’en ayant jamais vu Dark City, Bienvenue À Gattaca, Zardoz ou encore Soleil Vert, films qui proposaient de profondes réflexions sur la dictature mondiale qui serait en marche, sur ceux qui seront nos nouveaux dieux et sur les déviances qui sont les nôtres aujourd’hui. Au lieu de ça, Neil Burger prend les jeunes d’aujourd’hui pour d’incultes imbéciles, qui ne pourraient apprécier un film sans une potentielle scène de sexe. Neil Burger se plante et démontre qu’il est probablement lui-même cet inculte à qui il pense s’adresser, puisque son seul Dieu et ce dollar qu’il espérait se mettre en poche avec les entrées en salle de son film.