"ne pas se ruer sur Django Unchained mais le savourer"
… et aucun cheval n'a été blessé.
Comment ne pas dire OUI une énième fois à Tarantino ? Et sans regret.
Deux premières semaines, salles de ciné blindées, chaleur monstre, mais c'pas grave.
Ce génie nous emmène sur un territoire encore inexploré. Il invente un genre absolument terrible, un western façon Tarantino, un sujet extrêmement politique qui n'est d'ailleurs pas sans effet aux États-Unis… Sans doute un de ses films les plus violents, non pas visuellement -ça c'est toujours, mais tellement exutoire tant c'est déréalisé- mais intellectuellement ? Des propos extrêmement violents, donc. Son précédent, Inglorious Basterds me paraît plus qualifié de cruel que violent mais le sujet traité n'est évidemment pas le même et mon petit avis est très superficiel, ne l'ayant pas vu !
Un Allemand, et chasseur de prime de surcroît, se voit prendre pour associé un esclave à peine affranchi. Un duo de choc, il faut le dire; du jamais vu. Et ne passons pas à côté du fait que cet Allemand sera toujours pris au sérieux. C'est un film américain les gars, depuis quand les Allemands ne sont plus ridicules aux States ? Et encore mieux; quel film américain montre ainsi le sublime Sud des États-Unis avant la Guerre de Sécession ? Avec un talent de précision toujours, incroyable. Incroyables révolutions mises en place par Tarantino et il n'a nul besoin de s'attarder dessus pour faire passer le message. Son cinéma postmoderne rencontre, revient même aux sources du cinéma américain, aux racines, la base ! Qui à la sortie de la salle n'aura pas encore en tête pour un moment les idées, des plans (des tableaux monstrueux !), des dialogues ?… Tout nous est si évident, d'un coup.
Tarantino garde un rythme aussi saccadé que Jackie Brown, des sauts, des ruptures, des flashbacks, quelques longueurs mais qui passent très aisément avec une BO extraordinaire encore un fois. Il se permet néanmoins des dialogues plus classiques et un scénario moins ordonné. Je n'ai pas décroché une fois, en trois heures quasiment de film.
Quentin règle ses comptes avec l'Amérique possessive et propriétaire, mais seulement à l'envers et contre tout, par antagonismes finalement… Il recrée à plusieurs reprises l'Eden où se promènent des dizaines de Noirs, communément appelé par toute la communauté blanche qui est finalement minoritaire "Niggers" ou alors des noms se rapprochant plus des objets qu'autre chose. Bref, des jardins où la tranquillité du cadre ne fait que cacher les tortures. Les ravissantes roses blanches rougissent très vite… Cet Allemand de Docteur Schultz (incroyable Christoph Waltz), contera à Django (parfait Jamie Foxx) la vieille légende du prince Siegfried et de la princesse Brünhild, prisonnière de son père, de la montagne, du dragon et des flammes. Il n'y aura pas plus grosse métaphore dans le film, l'idée même du récit que souligne Tarantino avec la libération de Broomhilda par ce fameux duo. Face à eux les très très méchants. Tarantino dresse le portrait d’immondes vieux bourgeois quasiment consanguins, qui fortunes venant, se sont acheté Candyland, respectabilité et esclaves; le royaume des méchants. Erreur fondamentale et morale se retrouvant au centre de l'intrigue. Leur inculture est pointée du doigt, révélant "Monsieur" Candie (amazin' Leonardo DiCaprio) -personnage assoiffé de sang et d’argent- comme n’ayant aucun repère moral, lors d'un échange sur Alexandre Dumas.
Autrement dit. Les méchants sont les Américains. Et ce propos se révèle incroyablement contestataire, en ces temps de lutte ! Pas d'horizon radieux, dans Django Unchained, aucun doute : Un Noir est un Noir, et un Blanc est un Blanc.
Samuel L. Jackson est Stephen "Snowball", un Noir totalement fondu dans l’esclavagisme, mordu même. Et pas "servitude", c'est bien "esclavage" qu'il faut dire. Ainsi donc, la libération passera par le meurtre des esclavagistes mais aussi des traitres. Tout pour rappeler les collabos, et Tarantino va même jusqu'à imposer la présence d’un four pour esclave pas sage.
Django Unchained apparait alors comme hyper novateur dans sa vision unique d’une période rarement rapportée à l'écran et dont il tire un "western spaghetti" (oui oui, j'ai entendu) -pseudo-western terriblement poussé aux limites de l'exagération- violent et même Noir (hahaha).
Pour finir, j'en rajoute une couche sur la BO toujours aussi géniale qui nous empêche de trouver des longueurs et qui va même jusqu'à nous donner envie d'en entendre plus que ce qui est utilisé. Du Dies Irae du Requiem de Verdi (pseudo-secte) à Ennio Morricone, en passant par James Brown, Rick Ross, Jerry Goldsmith et Pat Metheny, Luis Bacalov, … Et mille autres artistes de folie. Un vrai carton, Quentin !
(plus de vingt visionnages plus tard, c'est encore mieux, zéro longueur et surtout on peut porter un toast aux scripts, il n'y a je pense aucune erreur de raccord, de montage ou de cadrage. Ça impose le respect total)