[ Critique publiée sur le site www.leberry.fr ] Quand Quentin Tarantino s’attaque au western spaghetti, ça donne Django Unchained. Un film au scénario réussi, débordant d’hémoglobine, porté par des acteurs convaincants, mais qui souffre de quelques longueurs.
Tarantino, huitième ! Trois ans après Inglorious Basterds, le réalisateur américain nous présente son huitième bébé. Au menu, de l’esclavage, du western, de la vengeance, et beaucoup de sang.

Inglorious Django. Pour tout fan de Tarantino, une question vient rapidement. Django Unchained est-il un simple copier/coller d'Inglorious Basterds ? Le parallèle entre les aventures de Django, joué par Jamie Foxx, et Shosanna, qu’interprète Mélanie Laurent, est tentant. Bien sûr, chaque long-métrage à son univers. Le western pour Django Unchained, la Seconde Guerre mondiale pour Inglorious Basterds. Mais quand même. Tarantino revisite à sa manière ces deux mondes, réécrivant l’histoire à coup de fusillades et explosions. Les deux personnages principaux, Django et Shosanna, sont motivés par un même désir de vengeance. Toute proportion gardée, nous pouvons même dire que Django Unchained est aux Noirs ce que Inglorious Basterds est aux Juifs. Un défouloir qui fait un bras d’honneur à l’histoire. C’est à se demander si le réalisateur n’a pas simplement fondu le scénario de Django Unchained dans le moule d'Inglorious Basterds. Ce n’est pas le personnage joué par Christoph Waltz, acteur présent dans les deux films, qui atténue la comparaison.

Scénario riche mais déséquilibré. Les aventures de Django et King Schultz sont aussi nombreuses que variées. Si le film est très long, on ne peut pas dire que les rebondissements manquent. De la rencontre entre l’esclave et le chasseur de primes au dénouement final, en passant par une longue négociation avec Calvin Candie (Leonard DiCaprio), on suit le parcours de Django sans en perdre une miette. Comment l’esclave, élève d’un chasseur de prime, dépasse peu à peu son maître. Tarantino réussit à donner de la consistance au personnage de Jamie Foxx. Tout en en faisant un homme sans peur et sans reproche, il le rend attachant.
Mais si le scénario est exceptionnellement riche, il n'évite pas quelques paradoxes gênants. Tarantino aime prendre son temps, on le sait. S’il peut faire un plan séquence de quinze minutes avec un seul dialogue entre deux personnages, il le fait volontiers. Néanmoins, à mesure que le dénouement approche, il s’emmêle les caméras et écourte les scènes. Il y a un réel déséquilibre, comme si Tarantino se piégeait lui-même. La partie du film autour de la vente d’un esclave dans la demeure de Calvin Candie est excessivement longue, alors que les intrigues suivantes, toutes aussi importantes, sont réglées en quelques secondes seulement. Les dernières scènes laissent un arrière-goût d’inachevé.

Casting d'enfer. Si vous avez aimé Christoph Waltz dans la peau de Hans Landa, colonel nazi pourri jusqu’à la moelle dans Inglorious Basterds, vous l’adorerez dans la peau de King Schultz, docteur devenu chasseur de primes qui prend Django sous son aile. Habité par son personnage, prouvant tout son talent lors de monologues ou longues discussion, il réussit un tour de force majeure en terme de jeu d’acteur. Si King Schultz a un cœur, contrairement à Hans Landa, son ton est le même, son impression aussi forte. Christoph Waltz vient de décrocher le Golden Globe du meilleur second rôle pour sa performance dans Django Unchained. Et l'Oscar n'est pas loin.
Jamie Foxx, lui, est bon, bien qu’il ne puisse pas exprimer tout son talent. Django est déterminé à retrouver sa femme. Ne montrant aucune émotion, ses expressions sont très limitées. La bonne surprise, c’est Leonardo DiCaprio dans la peau d’une ordure passant son temps à regarder des combats à mort entre esclaves. Heureux ou fou, énervé ou négociateur, il passe par toutes les émotions. Et reste professionnel. Lors d’une colère mémorable, l’acteur se blesse réellement à la main en tapant violemment une table. DiCaprio n’hésite pas à continuer la scène, comme de rien n’était, donnant une force supplémentaire à la scène.
Samuel L. Jackson, qui a déjà croisé Tarantino dans Pulp Fiction, Jackie Brown et Kill Bill vol. 2, campe un homme âgé au service de Candie… plus raciste que l’ensemble des personnages du film ! Le résultat est tordant et donne d’excellentes scènes.
Parmi les apparitions remarquables, citons Don « Nash Bridges » Johnson et le caméo du génial Jonah Hill.

Trop de sang tue le sang. Dire qu’un film de Tarantino est violent, c’est comme dire que la pluie ça mouille. Si le sang ne gicle pas dans quasiment toutes les scènes, on n’est pas face à un Tarantino. Alors, quand le réalisateur fait dans le western, inutile de vous préciser que la finesse est mise de côté lors des fusillades. Mais il ne faut pas s’autoparodier non plus ! Au bout de trois ou quatre scènes, on a compris que chaque balle tirée provoque le jet d’un litre d’hémoglobine. Dans l’une des dernières scènes, le sang repeint complètement le hall d’une maison, pour vous donner une idée ! Rapidement, on est moins pris par l’intensité des phases d’action. Ça tire, ça saigne de manière démesurée et caricaturale. C’est la Tarantino’s touch, oui, mais le plaisir n’y est plus. Ce n’est pas la quantité de sang déversé devant la caméra qui fait qu’une fusillade est réussie, ce qu’oublie le réalisateur. Les plus critiques peuvent même voir une avalanche de violence gratuite. Vraiment gratuite, quand la caméra se sent obligée de filmer un homme déchiqueté par des chiens, ou un combat à mort se terminant par deux yeux crevés. Tarantino lui-même revendique cette ultraviolence. Il gâche lui-même la qualité de ses films. Dommage.

2h45, c’est long ! La mode des films qui durent près de trois heures n’est pas près de s’arrêter. Django Unchained en est un nouvel exemple. Le film est plaisant, on rentre facilement dans l’univers, mais on sent passer les 2h45 du long-métrage ! La faute, sans doute, à un dénouement qui tarde à venir. Sans atteindre la fin (qui n'en finit plus) du Retour du roi, troisième volet du Seigneur des anneaux, Tarantino n’arrive pas à terminer son film. On se dit quatre ou cinq fois « C’est fini ? », tant les possibles dernières scènes s’accumulent. Tarantino aime son bébé et ne veut pas le voir partir. Et ça se voit.

Django Unchained est un bon film. Il aurait pu être encore mieux si Tarantino n'avait pas cédé à la tentation de tomber dans le too much.
PierreMachado
7
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le 20 janv. 2013

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Pierre Machado

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