Un melting pot cinématographique.
Certains conservateurs osent encore considérer le cinéma comme un ensemble de genres rigides à ranger dans des cases. Tarantino répond à ces conservateurs avec Django Unchained (le D est muet), et fait littéralement sauter ces cases.
Cette volonté de mélanger les genres était inaugurée par la première scène d'Inglorious Basterds: Lettre à Élise westernisante, passage artificiel d'une langue à une autre, plan-référence à Leone dans la campagne Française, et bien d'autres.. Tarantino atteint la quintessence de ce mélange dans Django Unchained, et loin de créer un monstre difforme, il réalise une oeuvre harmonieuse dont les discordances se compensent et donnent lieu à un jeu cinématographique de grande qualité.
Pourquoi la mondialisation, qui touche tous les domaines, ne toucherait-elle pas le cinéma ? Tarantino associe les cultures avec grande classe, et de manière évidente. Christoph Waltz, l'Allemand de service est associé à Jamie Foxx, qui lui-même peut-être considéré comme descendant direct des premiers esclaves issus du commerce triangulaire (c'est du moins dans ce film ce qu'il représente). Leonardo Di Caprio, l'Américain, la star, est en face d'eux. Le choix même des acteurs réunit trois continents, trois cultures qui interagissent pour participer à une oeuvre qui les réunit. Que dire du choix des musiques, sinon qu'il confirme cette idée ? On a bien sûr le thème principal, héritier d'Apache, type même de la musique de Western, mais également et encore une fois Lettre à Élise, représentant la musique classique européenne, jouée à la harpe cette fois, et bien sûr (et c'est d'ailleurs dans le film ce qui m'a le plus agréablement surpris), deux passages rythmés par un morceau de Hip-hop, genre icône de la jeunesse afro-américaine, dont Django devient un représentant lors d'une scène qui prend des allures de clip. Quoiqu'en pense Eric Zemmour, cette association d'un genre icône de l'Amérique sudiste conservatrice à une musique des ghettos de Chicago crée un plaisir esthétique rare et plus qu'appréciable. Ces deux points ne sont qu'une minuscule partie des arguments en faveur de l'idée que Tarantino atteint un mélange réussi des genres. Les lieux, pas forcément types du Western, différents personnages, les plans parfois classiques, parfois très modernes, plaident pour cette idée, et nous, cinéphiles, pourrions écrire des dizaines de pages à propose de cela, mais pour ne pas vous lasser je ne vais pas m'éterniser sur cette critique.
Ainsi la richesse exceptionnelle de Django Unchained se trouve dans l'association d'idées: l'association de genres, l'association de cultures, l'association de personnages. Au fond, ce film n'est pas un Western. Qui saurait le comparer à un Western classique ou même à un Western spaghetti, au delà de quelques détails ? On ne peut pas considérer que Tarantino renouvelle ce genre: il fait appel à différentes techniques déjà existantes, à différents types, bien sûr il ajoute sa touche, ses dialogues, ses jets d'hémoglobine.. Mais qu'y a-t-il de réellement innovateur ? Il est difficile d'imaginer que ce film puisse donner vie à un nouveau type de Western.
Le coup de force essentiel, c'est d'arriver à redonner vie au rêve américain, dans une société où celui-ci s'est travesti en rêve de richesse et de gloire. Tarantino fait appel à la diversité des origines de ce pays, rappelle les bases multiples de sa création, et invite clairement le spectateur à se rappeler du principe premier de ce rêve: Liberté. Liberté pour l'homme qui sait prendre sa liberté. Liberté à force de travail et de volonté. Liberté pour Django, l'individu qui, seul sur 10000, a osé se donner les moyens de contredire l'idée commune qu'une race est nécessairement soumise.
J'apprécie le geste.