Django Unchained par Remy Pignatiello
Quentin Tarantino s'amuse. C'est indéniable, et ça fait vingt ans que ça dure. Et après avoir fait des films de gangsters qui s'entre-tuent joyeusement, par avidité, vengeance ou hasard, le voilà qui se met à faire des films dans des contextes historiques.
Après un Inglourious Basterds monté avec les pieds (et plombé par la partie française du casting), qui lui-même faisait suite à un Death Proof laborieux (et pas vraiment aidé par la rallonge de 20 minutes afin de le séparer de son Planet Terror de collègue), il faut bien dire qu'on attendait avec impatience le film où QT se ferait à nouveau plaisir sans oublier le spectateur en route. Non pas que le cinéaste ait perdu la main visuellement parlant, mais il est clair que d'un point de vue script, on pouvait décemment attendre un retour au niveau de Kill Bill.
Django Unchained signe probablement ce retour.
Haut en couleurs, mais souvent fun, rarement long, et surtout ultra léché, Django Unchained revisite le western spaghetti en mode QT, c'est à dire à travers le prisme habituel du réalisateur : hémoglobine coulant gratuitement à flots, caméos et références à gogo, bande son piquant à droite à gauche (mais détonnant, précisément, par les nombreuses pistes modernes la composant en partie, du gros rap US qui tâche de Rick Ross à la soul gospel de John Legend), bref, les habitués ne seront pas dépaysés. Là dessus, QT reste QT et maîtrise son langage cinématographique dans ce qui est probablement son plus beau film formellement parlant : que ce soit les nombreux trajets à cheval, les ralentis ci et là, la photographie travaillée et ultra variée, ça sent la composition réfléchie, et il faut bien dire que ça fait plaisir à voir.
Tarantino retrouve, de plus, ce qui (on l'espère) est devenu sa nouvelle trouvaille-muse : Christoph Waltz. Aussi bon que dans Inglourious Basterds, et pourvu d'une excellente dynamique avec Foxx, Waltz vole à nouveau le show, malgré un cast autrement plus uniformément exemplaire que dans les 2 films précédents de Tarantino. Si Foxx est parfois un peu figé, son charisme brut et brutal finit par l'emporter; Di Caprio livre une très bonne performance; et Samuel L Jackson fait du mieux qu'il peut en cabotinant dans son rôle assez simpliste de Noir essayant de se faire aimer des Blancs en faisant aussi bien qu'eux au jeu du négrier (dommage qu'il finisse par devenir une caricature ambulante, au trait extrêmement épais).
Pour autant, cumulant à 2h45, le film est assez long, notamment dans une seconde partie trop bavarde pour pas grand chose, et une suite de rebondissements prévisibles et linéaires, qui ressemblent, rétrospectivement, plus à un prétexte au déferlement de gunfights finaux qu'à autre chose. Même s'il on a déjà pu voir bien plus ennuyeux que ce Django, il est fort probable que le film aurait gagné à être épuré d'au moins 20 bonnes minutes, notamment dans certaines digressions ou avancées narratives trop lentement mises en place.
Cependant, notamment grâce à un humour régulier et faisant souvent mouche (même si on pourra débattre longtemps de la finesse de certains gags en fin de film, à double tranchant, et pas forcément très drôle tant l'évolution du personnage principal peut ne pas s'y prêter) et un propos progressiste efficace distillé tout le long du film (certes, pas toujours subtilement), Django Unchained signe donc le retour en forme de Tarantino qui, on ne peut que l'espérer, continuera sur cette lancée pour ses prochains films.
Mais par pitié : Quentin, reste derrière la caméra. Même si tu t'éclates (littéralement), ton (petit) rôle dans Django en est la preuve incarnée : tu joues comme un pied.