Après Inglorious Basterds en 2009, Tarantino continue de ré-écrire l'Histoire.
D'emblée, dès le générique, Tarantino plante son décor historique et social : on va parler d'esclavage.
Et s'il y a trois ans, quelques tabous européens sur les nazis dérangeaient encore, il n'en n'est rien ici puisque Tarantino s'attaque aux années sombres de l'Histoire US, lorsque l'esclave noir était monnaie courante, si on peut dire.
Nous voici donc projetés juste avant la Guerre de Sécession, et naître noir à cette époque c'était les emmerdes assurées. Autant prévenir : Django unchained est un film dur et violent, même si c'est du cinoche à la Tarantino. On ne parle pas des giclées d'hémoglobine de plus en plus artistiquement déposées qui depuis longtemps ne font plus peur à personne, on passe sur les sévices infligés aux esclaves noirs (brrr...), mais QT sait toujours trouver les ressorts qui feront encore sursauter le spectateur blasé, comme lors de la fusillade dans la grande maison : les coups de feu sur les blessés tombés au beau milieu du carnage sont une ‘jolie’ trouvaille !
Bref, on ferme souvent les yeux, comme toujours avec QT ! Mais sur 2h40 de film, ça laisse encore du temps pour apprécier le spectacle ! D'autant qu'on ne s'y ennuie pas une seconde et que ces presque trois heures sont assurément le grand moment de cinéma de ce début d'année.
Indiscutablement, la réussite du film vient des deux personnages clés : le Dr Schulz (impayable Christoph Waltz(6)), un allemand devenu chasseur de primes qui s'associe avec Django l'esclave noir rebelle (Jamie Foxx).
Les dialogues sont comme toujours avec QT, taillés au cordeau, un régal pour l'esprit, aussi soignés que les images (un régal pour les yeux) et que la musique (un régal pour les oreilles). Et quand les mots ne suffisent plus, ce sont les balles qui fusent.
Car sous des dialogues policés et mondains, couve une tension d'une violence incroyable.
Heureusement l'humour n'est jamais bien loin et permet de souffler un peu : comme avec cette scène déjà devenue culte où les membres d'un proto-KKK se plaignent de leurs cagoules où les trous ne tombent pas en face des yeux. On a beau être prévenu, on a beau avoir déjà entendu certaines répliques, on se retrouve plié de rire sur son fauteuil comme toute la salle. Qui a parlé de tabous ?
Ah bien sûr, on peut dire qu'avec ce film à gros budget, Tarantino permet à son héros et à ses compatriotes de se racheter à bon prix une bonne conscience. Mais beaucoup de choses sont quand même dites sur l'esclavage et sur la bêtise de ces fermiers sudistes (trop bêtes et trop méchants ? sans doute, oui) que l'allemand Christoph Waltz semblent trouver plus sauvages que leurs propres esclaves noirs.
Et puis surtout, avec ces deux films sur l'esclavage, sortis au moment même où leur président noir prête serment pour la seconde fois, ces étranges américains n'en finissent pas de nous étonner ...
Alors dans une dernière pirouette cabotine, Tarantino nous rappelle que tout cela n'est que du cinoche, mais du grand cinoche, et qu'il nous demande juste d'applaudir lors du feu d'artifice final.
Ce que l'on fait volontiers : Tarantino est l'un des rares (le seul ?) grands cinéastes d'aujourd'hui (car Spielberg et son prochain Lincoln, c'est quand même la génération précédente !).