J'adore Tarantino. J'attendais ce film. J'ai vu Django, l'original, préalablement. Ce western de Corbucci, dont je ne comprends pas le succès, a donné lieu à un grand nombre de suites plus ou moins officielles, avec différents acteurs. Je pense toutefois que personne ne se douterait qu'un jour on aurait un Django noir, et encore moins qu'il serait le héros d'une comédie.
Oui car "Django unchained", aussi difficile à croire que ce soit, est une comédie. Une parodie, même.
Rien ne m'y avait préparé : ce n'est pas le genre de film que fait Tarantino, et les bande-annonces ne laissaient rien présager de ce changement.
Le film lui-même non plus, ne nous le fait pas comprendre immédiatement.
On trouve une dose d'humour dès le début, mais elle provient de personnages qui, en jouant aux malins, renforcent leur statut de personnage badass.
Christoph Waltz joue un chasseur de prime maniéré qui se fait passer pour un dentiste, et qui, en tant qu'étranger, se permet de faire n'importe quoi par rapport aux us de la nation raciste dans laquelle il a débarqué. L'acteur est brillant, et son personnage peu commun amuse par son aspect burlesque et limite over-the-top, un peu de la même façon que le personnage de Samuel L. Jackson en fin de film. Rien d'alarmant jusque là, les plus grands héros de films d’action comme John McClane ou Snake Plissken ont l’air d’autant plus fort qu’ils se permettent de blaguer, ou pour en rester à Tarantino, on peut évoquer l’échange entre Beatrix et O-Ren Ishii après le massacre des Crazy 88.
J’ai commencé à être déboussolé quand débarquent des personnages et situations aussi débiles que caricaturaux. Le Dr Schultz et Django débarquent dans un saloon où, effrayé par la vue d’un black, le tenancier fuit en courant et en hurlant. J’ai encore moins compris quand débarquent un marshall avec une quarantaine d’hommes armés qui encerclent le bâtiment juste pour s’occuper de nos deux héros.
Et la facilité avec laquelle Schultz tue un homme de loi en pleine rue, n’en ayant rien à foutre (même s’il y a une justification à cela par la suite) est tout simplement ridicule. C’était pour moi une situation de comédie placée dans un film qui, je le croyais jusque là, n’est pas une comédie.
J’ai enfin compris que Tarantino voulait, effectivement, faire une comédie avec la scène des sacs à patates, d’autant plus que c’est la scène avec Jonah Hill. Certes j’ai ri, mais tout en me demandant ce que cette scène-intrus venait faire là.
A la sortie de la salle de cinéma, j’entendais une femme reprocher au film que ce n’est pas ce que Tarantino fait d’habitude. Le problème n’est pas de vouloir changer de registre, c’est de ne pas savoir le faire comprendre. Rien dans le film n’indiquait dès le départ cette intention, et plus désolant encore : la seconde partie du film est quasiment dépourvue de ces gags outranciers. Non que j’aurais voulu que Django unchained soit parcouru de ces situations absurdes, mais au moins il y aurait eu une cohérence.
Je ne nie pas avoir ri, mais je me suis subitement arrêté de le faire après une scène-pivot où, pour convaincre Calvin Candie, un négrier joué par Leonardo DiCaprio, qu’il est de son côté, notre "héros" conteste la libération d’un esclave, le menant à sa mort. Django fait ça dans le but de sauver la femme qu’il aime, mais même en tenant compte de cela, j’ai trouvé ça immonde.
Je ne peux pas considérer comme un héros ce personnage égoïste qui est prêt à sacrifier un innocent pour son propre bien-être.
Mais quand il retrouvera sa bien-aimée, le personnage sera sûrement hanté par les choses horribles qu’il a fait dans l’espoir de retrouver son bonheur… non ? Eh bien non, dans ce film le héros ne se remet pas en question, seul son compagnon est secoué par la mort de l’esclave, dévoré par une meute de chien. Django, lui, finit par buter encore plus de monde. Et le pire, c’est qu’il est représenté de façon très 1er degré comme un héros badass, chacun de ses meurtres par la suite étant mis en scène de sorte à ce que ça ait l’air trop putain de cool. Le plus affligeant, c’est à la toute fin, quand Django a tué tout le monde, qu’il met ses lunettes de soleil, "like a boss", et qu’il observe une explosion énorme tandis que sa femme applaudit, toute souriante.
C’était le sommet du dégueulasse.
J’aime les films d’actions hein. J’aime les héros immoraux aussi, mais seulement quand ils sont traités en tant que tels, et qu’on n’essaye pas de faire passer leurs actes pour justes, comme Tarantino le fait dans Django unchained. Le personnage principal à la fin ne se pose même plus de question sur le bien-fondé de ses actes et dézingue n’importe qui (même une femme qui n’a rien fait de tellement mal, si ce n’est être niaise et appartenir à la famille d’un esclavagiste). Et les doutes qu’on pourrait avoir au sujet de ce prétendu héros, le réalisateur tente de les effacer par l’aspect rigolo de la démesure de la violence.
En gros : Boum, coup de fusil dans le ventre, la femme décolle du sol ; est-ce qu’elle méritait de mourir ? Non, mais on s’en fout, c’était rigolo à voir !
On trouve ce genre de situation dans d’autres films, le premier exemple qui me vient en tête c’est "God bless America", que je défends, mais au moins ce film ne se prend pas au sérieux et traite son message avec dérision.
La violence dans Django unchained est tout de même une des choses que j’ai apprécié, au début du moins. Le sang ne coule pas, il pleut carrément. La brutalité est délectable, surtout dans cette scène où un noir fouette un négrier sous les yeux ébahis de pleins d’esclaves, c’en est jouissif. La violence devient effrayante lors du combat de mandingues. Et à la fin, c’était trop, ça ne me faisait plus rire.
"Trop", un mot qui sied très bien à ce film. Trop idiot, trop lourd. Je repense à la scène où un négrier ressemblant au général Sanders, assez impoli, change du tout au tout son comportement quand il entend parler d’argent. Non seulement c’est un gag vu mille fois, mais en plus ici c’est plus lourd que jamais.
Tarantino est dans le démesure, et il s’amuse aussi à disposer dans sa réalisation des effets très lourds que d’autres n’oseraient jamais : ce texte qui remplit tout l’écran, ces zooms et dé-zooms infernaux… et ça marche. C’est un des rares types qui peut se permettre ça. Mettre du rap dans son western aussi c’est audacieux, même si récemment son ami RZA a fait pareil dans son film de kung-fu, "The man with iron fists". Et comme d’habitude, la BO est très sympa.
Tout n’est pas mauvais dans Django ; pour une fois dans un Tarantino j’ai même trouvé qu’il y avait une exploration pas trop mal des personnages. L’Allemand parle d’une légende de son pays, ce qui ajoute un peu plus de relief au personnage, et cette légende qui mentionne sert par la même occasion à caractériser Django. Les origines et statuts des personnages sont bien utilisés dans l’intrigue : j’ai trouvé intéressant notamment que le fait que Schultz soit un homme de loi fait qu’il ne peut envisager, pour que Django récupère sa femme, qu’ils aillent la dérober à l’esclavagiste qui l’a achetée.
Django unchained n’en est pas moins un film dégueulasse moralement, et quelques fois esthétiquement, lors du premier flashback par exemple, tandis que les autres adoptent efficacement un aspect de vieille pellicule. L’hommage au cinéma classique va jusqu’à l’utilisation de filtres datés créant des dégradés de couleur dans le ciel…du moins j’espère que c’était l’intention de Tarantino. L’utilisation du Wilhelm scream, ça par contre, ça n’est plus acceptable en 2013.
Je ne pensais pas que je dirais ça d’un film de Quentin Tarantino un jour, mais Django unchained est moche et débile.
PS : Merde, à la fin de la séance j’étais tellement atterré que je me rends compte que j’ai oublié ma canette de soda à moitié remplie dans la salle…