Le film de genre français a bien du mal. Du mérite aussi parfois mais du mal. Distributeurs frileux, producteurs encore plus, réalisateurs qui finissent par aller tenter leur chance outre-Atlantique... Difficile de faire un long-métrage de genre en France alors que la production de courts regorgent de bonnes trouvailles. Il faut dire que, dans le cas de beaucoup de réalisations récentes, on est un peu trop dans l'extrême ou le trop bizarre. Que ça soit avec des films comme le très sanglant A L'Intérieur (Alexandre Bustillo) le très con mais très bon La Horde (Dahan et Rocher) ou encore des tentatives de SF comme Dante 01 (Marc Caro) ou Eden Log (Frank Vestiel), on n'est jamais vraiment dans le fantastique plus ou moins tout public. Trop d'étrange ou de gore pour attirer un public en salle, même un public plutôt client.

Djinns, de Sandra et Hugues Martin, prend tout ça un peu à contrepied pour offrir un film de guerre fantastique français qui ne bascule pas dans l'extrême et qui, tout réussi qu'il est, peut sans doute redonner ses lettres de noblesse à une race de films à moitié enfouie.

Djinns, c'est d'abord l'histoire d'un groupe de militaires. Français, en Algérie en 1960, ils doivent mettre la main sur ce qui reste d'un avion écrasé pour retrouver une valise (dont le surprenant contenu ne sera révélé qu'à la toute fin du film). Ils croiseront dans leur périple un groupe d'Algériens venus en découdre mais surtout un village peuplé de djinns.
Dans la mythologie arabe, les djinns sont des esprits gardant des endroits tels que des points d'eaux, des villages ou des forêts. Ils peuvent avoir un contrôle psychique sur leurs victimes.

Mais comme je le disais, Djinns c'est d'abord une histoire de militaires, d'un groupe soudé. Pour cela, Hugues et Sandra Martin ont convaincu quelques jolis noms du cinéma français de tourner ensemble : Said Taghmaoui, l'excellent Thierry Frémont, Grégoire Leprince-Ringuet qui est dans toutes les productions françaises du moment et Emmanuel Bonami (la voix française de Snake dans Metal Gear Solid, et qui n'a pas une ligne de dialogue dans le film !) pour ne citer qu'eux. Force est de constater que les acteurs sont très bien dirigés, très bon, et mis à part Leprince-Ringuet qui est un peu plus faible au début de l'aventure, ils parviennent rapidement à nous intéresser à ce groupe d'homme au milieu de dunes de sables.

Techniquement, et alors que ce n'est pourtant qu'un premier film tourné avec un budget ridicule, l'ensemble est réussi. C'est très bien filmé, la lumière est travaillée juste assez et le couple Martin s'en sort avec les honneurs. La bande son et, surtout, les effets spéciaux sont particulièrement réussis, notamment les djinns eux-mêmes qui insinueront un petit froid dans le dos du spectateur lors de leurs apparitions fantomatiques.

Le film se perd malheureusement scénaristiquement à un moment : une fois que les soldats ont trouvé l'avion puis se sont réfugiés dans le village après la tempête de sable, et avant que les djinns ne se montrent réellement, le spectateur a tendance à se demander ce que font ces mecs là... Et certains points sont peut-être trop peu développés, notamment les motivations réelles des soldats algériens « ennemis ». On manquera aussi un peu de djinns, visuellement sublimes mais bien trop peu présents à l'écran.

Mais il semble que ces manques seront comblés dans une version DVD qui contiendra 40 minutes supplémentaires d'après Hugues Martin lui-même qui a avoué, lors d'une rencontre avec le public avoir coupé quelques sous-intrigues du film pour offrir aux visiteurs des cinémas une version cohérente et sans doute plus accessible.

Djinns est donc un premier film réussi, soigné, travaillé et méritant surtout quand on voit le résultat obtenu avec un si petit budget (on parle d'un million d'euros, à titre de comparaison Fatal en a coûté 14). S'il n'est pas exempt de quelques défauts scénaristiques qu'on espère voir corrigés dans la version longue, il devrait promettre à Hugues et Sandra Martin une jolie carrière et devrait également redorer la réputation du film de genre en France.
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le 30 juin 2010

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