Cette chronique du racisme ordinaire est un véritable coup de poing dans la gueule ! Spike Lee situe son décor à Brooklyn sous la chaleur étouffante de l'été, dans un quartier noir dont le point crucial de ce foyer torride est la pizzeria de Sal (Danny Aiello), seul Blanc (avec ses 2 fils) au milieu d'un microcosme de Noirs qui hurlent à la discrimination parce que les murs sont ornés de photos de vedettes et de héros italo-américains. Jusqu'ici, tout va bien ,ça reste bon enfant, la pizzeria reste le lieu de multiples rencontres, les gens sont pittoresques, chaque personnage a sa singularité, ses penchants, ses tics, tout le monde est sympathique, même les excessifs.
La comédie est lancée, sauf que au bout d'un moment, ce n'est plus une comédie. Le réalisateur ne signe pas ce qu'on peut appeler un film militant (malgré sa réputation), il installe une ambiance confortable en forme de comédie de moeurs, fait défiler des personnages typiques en évitant de les cataloguer, les Noirs n'étant pas les bons, ni les Blancs les méchants. Cet échantillonnage de vies incite au sourire, et puis on sent un frémissement, une sorte de gestation, on perçoit l'orage dans l'air, le masque de la comédie va tomber soudainement, car sans oublier son ton humoristique, le réalisateur provocateur (qui incarne en plus un jeune livreur de pizza insouciant) dresse un constat sans concession des tensions raciales à New York, c'est une charge virulente sur fond de rap et de hip-hop qui débouche vers l'explosion.
On est forcément surpris par ce changement instantané de ton, car le confort humoristique du début était en fait le long prélude à cette explosion.
Les acteurs tous excités, sont exceptionnels, que ce soit le trop méconnu Danny Aiello, Bill Nunn et sa radio de dingue, Ossie Davis en vieux flemmard qui observe, ou même John Turturro dans un rôle épisodique. Une comédie dramatique d'une justesse brutale.