Spike Lee, à l'époque jeune cinéaste ambitieux, réalisateur de deux films à forte dominance afro-américaine dans le casting, assez engagés, sans non plus être du vrai cinéma politique, se lançait enfin dans un projet ambitieux.
Do The Right Thing ne se concentre pas uniquement sur la communauté afro-américaine, mais plutôt sur Bed-Stuy et toute sa population. Le film, construit sur 2 actes, le jour et la nuit, met en scène une constellation de personnages tous hauts en couleurs (oui, bon) et réussis, jamais unidimensionnels et très souvent passionnants. Les acteurs sont excellents, des premiers rôles aux seconds rôles et certains livrent même des performances mémorables, comme Steve Park, Roger Guenveur Smith et John Turturro. On notera même une apparition réjouissante de John Savage. Quant à la réalisation, elle pose les bases du style Spike Lee, c'est-à-dire des faces caméras, des plans séquences et une musique fabuleuse qui accompagne parfaitement le film, sans oublier les personnages métadiégétiques, comme Samuel L. Jackson ou les trois amis assis dans la rue, qui pendant près d'une heure et quart, ne font que constater les évènements tels des spectateurs.
Do The Right Thing est donc un film admirable techniquement, sans oublier d'être fantastique idéologiquement. Dans la partie diurne, la violence raciale se contient à la violence verbale, d'où certaines scènes fabuleuses, comme l'échange musclé entre le personnage d'Ossie Davis, pas si irréprochable et Steve White, jeune homme pas si décérébré et dont la violence verbale envers le vieil homme trouve une sorte de justification inattendue ou encore la scène où Radio Raheem achète des piles pour son master-blaster. De plus, lors de la deuxième vision, le film prévoit la tragédie qui va arriver avec certaines phrases comme «Thank God, the night's coming». Quand à la partie nocturne, elle est un peu plus chaotique et linéaire, certes, mais très forte émotionnellement, avec l'acte que tout le monde connait : le jet de poubelle dans la vitrine. Le film donne deux interprétation possible sans en imposer une au spectateur : Mookie a-t-il sauvé Sal en détournant l'attention vers sa pizzeria ou est-il responsable de la nuit de violence qui s'ensuit ?
Le film a le très bon goût de ne jamais répondre à cette question et de laisser l'interprétation à son spectateur, en donnant deux déclarations finales, contradictoires, de Malcolm X et Martin Luther King Jr. Do The Right Thing est évidemment un grand film, passionnant de bout en bout, émouvant et mis en scène par un Spike Lee en état de grâce.