"You might as well like yourself. Just think about all the time you're going to have to spend with"

Julius Kelp est professeur de physique, chimie et implosions diverses dans une petite université américaine où ses élèves aussi bien que son directeur le martyrisent ; car là est le cœur du problème, Kelp est laid, hideux, repoussemment repoussant et cette apparence lu ôte toute once de confiance en lui. Les remèdes naturels n'y font rien, et la tête d'ampoule finit par se tourner en dernier recours vers son unique talent, la concoction d'étranges mixtures, pour goûter à l'ivresse de la séduction ne serait-ce qu'une nuit.

Si l'on doit tenir compte à la notation, de la paternité de ce film envers le remake tout bidon avec Eddie Murphy (en même temps, quand je dis remake avec Eddie Murphy, le "tout bidon" est un peu superflu hein), on ne peut que louer le charme et l'intelligence de cette œuvre d'un des plus grands comiques américains, Jerry Lewis, qui fait montre ici autant de son parfait timing comique que de son sens de la mise en scène, avec en dessert une performance d'acteur schizo-phénomènale, s'il vous plaît.
Une jolie photo typique des 60's, une bande-son au poil dont certains morceaux sont interprétés par Lewis lui-même (qui a dit "mais ce mec c'est le Sarkozy du plateau de tournage" ?!) et une belle histoire d'amour en mode La Belle et La Bête, entre deux paumés qui se croient au-dessus des apparences... et qui le sont quand même un peu.

Mais il y a plus important que la love-story à l'écran : il y a le discours de Lewis. Qui joue tellement sur les apparences que sous les oripeaux d'un film comique (et drôle, pas de souci là-dessus), il signe en fait un film d'auteur, avec ses armes à lui : les longs silences gênants, les dégaines improbables et les gags bon enfant. Et qui ouvre sa gueule sur la science et ses excès : alors qu'au début des années 60 les travaux sur l'ADN fleurissent et la fécondation in-vitro rentre dans le tableau, le cinéaste relit avec ses lunettes de clown la légende centenaire de Jekyll et Hyde et la confronte au spectre de l'eugénisme. Entre un brillant académicien à qui rien ne réussit et une petite frappe qui fait tomber les filles, rien d'autre qu'une potion magique, que Lewis attribue à la science ; et cette problématique : faut-il mettre la recherche au service de l'amélioration esthétique, et faire fi de ce qu'il y a en-dessous de l'enveloppe ?
La réponse formulée est bicéphale, à l'image de ce film et de ce personnage. Entre un oiseau parlant trop irréel pour être autre chose qu'une conscience cinématographique du protagoniste qui mange la formule de la potion mais permet à son maître de la retrouver, un climax touchant sur fond de mea-culpa public du crooner qui se re-transforme peu à peu en loser, affirmant regretter sa découverte mais regrettant qu'elle parte en sucette, et un plan final qui permet à la fois d'exposer l'attrayant postérieur de Stella Stevens et de laisser planer le doute sur la capacité de son personnage à passer sa vie avec Quasimodo, Lewis prend, en guise de position, celle d'un Bayrou particulièrement indécis.
Mais au final, on se rappelle que ce n'est peut-être pas aux comédies de prendre des positions sociétales, et qu'exposer l'étendue du problème, c'est déjà largement remplir le contrat.
lucasstagnette
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le 26 juin 2012

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Lucas Stagnette

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