Mabel is not crazy, she's unusual. She's not crazy, so don't say she's crazy.

Mabel Longhetti (Gena Rowlands) est une mère au foyer de trois enfants qui souffre de déviance du comportement en société ; et par société, comprenez tout le monde sauf son mari, Nick (Peter Falk), contremaitre d'une équipe de construction.
Mabel ne se sent pas en sécurité avec des gens autour d'elles, elle est soumise à leur "influence", leur regard, leur jugement du fait de ses différences ; le film de Cassavetes va dépeindre, en deux parties, une pré-internement, l'autre post-internement, la difficulté de ce couple à s'aimer malgré le handicap, mais surtout, avec ces personnages trop pathologiques, trop inadaptés pour être vraiment réalistes, le cinéaste américain donne une ode à la diversité, à la tolérance ; par sa forme, par son fond, ce film est autant anticonformiste qu'il est anticonformisme.

Il faut bien comprendre que Mabel n'est pas folle, mais qu'elle manque cruellement de confiance en elle-même, qu'elle ne sait pas se comporter avec les autres ; elle échoue dans son rôle de mère, d'adulte, d'épouse, malgré toutes ses tentatives, et finit (encouragée par l'asile, métaphore du modelage effectuée par la société) par ne plus être elle-même.
C'est ce que comprend finalement son mari, qui l'a internée lui-même, après un épisode délicat avec un voisin qui le conduira à péter les plombs ; le personnage de Peter Falk n'est pas plus sain d'esprit que sa femme ou n'importe qui, il a ses névroses, il est totalement instable, mais il est surtout né avec un pénis entre les jambes, et un homme névrosé, visiblement, ça n'existe pas...

Cassavetes, par son écriture, suscite un tourbillon de sentiments chez le spectateur, de l'empathie au malaise, de la pitié à la déception ; les situations qu'il propose, le fonctionnement familial qu'il décrit, est symbolique de la souffrance plus qu'il n'est descriptif ; son film est à prendre comme une vue panoramique sur toutes les pressions néfastes que la société exerce sur les individus, comme une colère sourde contre l'uniformisation des comportements, comme une déclaration d'amour à sa femme, à qui il offre son plus beau rôle, et à toutes les femmes qui ne peuvent se réaliser, étouffées par les rôles qui leur sont assignés.
Le réalisateur américain opte pour un style très sobre, quasi-documentaire, réduisant ses célèbres plans serrés et filmant des corps entiers, et non plus des regards, montrant des attitudes plus que des discours ; une impression de solitude, de désemparement total se détache de certains plans, renforcée par une photo froide, austère, aussi bien en plein soleil qu'un jour de pluie.

Gena Rowlands, sous la direction de son mari, interprète à la perfection ce rôle tout en rupture, en insécurité ; ses mimiques, ses gestes approximatifs, traduisent tout ce qui ne transparaît pas dans les dialogues, signifient à chaque instant le malaise, l'asphyxie sociale de Mabel Longhetti ; Falk est également brillant, dans un rôle d'homme triste, en conflit permanent, qui se bat contre sa femme, ses collègues, sa mère et lui-même, ne cédant qu'une fois, lorsqu'il fait interner son épouse.

Comme tous les films de Cassavetes, Une femme sous influence est une expérience difficile, qui comporte son lot d'implicite, mettant parfois en scènes des situations insoutenables, telle que la très puissante scène du breakdown nerveux de Mabel, qui est à ce jour une des scènes les plus fortes que j'ai pu voir dans au Cinéma ; Cassavetes n'atteint pas la perfection, sans doute ne la cherche t-il jamais, son film souffre parfois de longueurs, d'exagérations, mais il montre surtout l'humain comme peu d'autres cinéastes, au milieu de toutes ses failles, bataillant constamment avec toutes les pressions, les influences qu'il subit ; et son œuvre, par analogie, se place en opposition du cinéma conformiste, mainstream,qui, si il a ses qualités, ne peut prétendre à une telle humanité, une telle fragilité, une telle beauté.

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le 21 août 2011

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Lucas Stagnette

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