Le film est glaçant à plus d'un titre puisqu'il est tiré d'une histoire vraie, quasiment invraisembable, démente, sidérante, celle du docteur Petiot, médecin généreux d'apparence, toujours prêt à rendre service, père de famille, aimé de tous, qui, poussé par les circonstances de l'occupation et de la guerre, va se transformer en un monstrueux assassin. Voilà le bon médecin qui extorque des Juifs, entre autres - il n'est pas antisémite, il profite de la détresse des Juifs pour les dépouiller - en leur faisant croire qu'ils leur fera quitter la France. En réalité, ils les tuera, les dépouillera et brûlera leurs dépouilles à l'acide sulfurique. Tout cela il le fera d'ailleurs dans son hôtel particulier près de l'avenue Foch, dans le 16ème arrondissement de Paris, laissant des volutes de fumée abjectes s'échapper de sa cave et infecter la rue de leur odeur de mort.
C'est ce qui le perdra. Il est confondu par cet effroyable état de fait mais parvient à s'échapper car Petiot était un faussaire, un usurpateur, un manipulateur au passé trouble. Il parvient devant la police à se faire passer pour son frère et s'échappe, devenant ensuite résistant, travaillant pour la France Libre. A la Libération, il deviendra alors presque intouchable, sauf que les preuves contre lui sont accablantes. Il explique avoir liquidé tout ces gens sur commande. Il est vrai que parmi les victimes, il y a possiblement une ou deux personnes louches et peu fréquentables mais la plupart étaient tout de même des Juifs et des gens sans histoire qui fuyaient la gestapo. Et, lorsque l'on retrouvera parmi les restes les vêtements d'un petit garçon, il n'y aura plus de doute sur l'ampleur du crime.
Serrault endosse le rôle avec facilité, comme toujours. Il donne un aura particulier à ce personnage hors du commun, glaçant mais d'apparence affable et gentil, dont l'existence plutôt banale bascule avec la guerre dans la cupidité et le crime. Le contexte de la guerre, de la résistance et de la déportation, dont Petiot se drappe pour accomplir ses crimes donne à ce fait divers une profondeur historique et illustre à lui tout seul les horreurs que la guerre permet. On ne peut que penser à un autre criminel français, qui a accompli ses crimes en temps de guerre, Landru, qui dépouillait des veuves, les tuait, les brûlait.
Et comment ne pas voir dans ce four où les victimes, souvent juives, de Petiot brûlaient, une miniaturisation du processus des fours crématoires ? Et dans l'inventaire des objets, valises et vêtements retrouvés chez Petiot ces photographies des camps où les chaussures s'entassaient ? Hannah Arendt a parlé de banalité du mal en temps de guerre et Marcel Petiot illustre une horreur devenue banale, celle d'un homme d'apparence sans histoire capable des crimes les plus odieux. Et c'est d'ailleurs ce que le film montre : comment le fait divers illustre la grande histoire dans ce qu'elle a de plus effroyable ? Fort heureusement, l'opinion publique fut dégoutée des crimes de l'homme et il finira condamné à mort, selon la légende, sourire aux lèvres.