Il faudra se faire à l’idée, la Full Moon Features n’intéresse plus les éditeurs français. Il est loin le temps où Elephant films distribuait les DTV de Charles Band que l’on retrouve parfois dans les bacs à soldes des Cash Express ou sur Vinted. Il a longtemps fallu se tourner du côté du label 88 films outre atlantique avant que le distributeur Wicked Shop n’érige une nouvelle collection estampillé « Full Moon Germany » avec des remastering blu-ray de certains films « iconiques » du studio. Pour cela, il vous faudra néanmoins débourser pas mal d’argent et savoir comprendre l’anglais puisque l’éditeur n’a évidemment pas songé à inclure de sous titrage français. Pour les plus férus, reste encore la possibilité de s’abonner à la plateforme SVOD pour la modique somme de 50$ par an.
Doctor Mordrid Master of the Unknown est une adaptation officieuse de Doctor Strange pour laquelle son producteur avait acheté les droits avant qu’ils ne tombent à expiration, faute d’avoir pu concrétiser le projet à temps. Pour ne pas avoir à repayer et s’éviter un procès, le concept et le personnage seront donc retravaillés avec Jack Kirby, célèbre dessinateur de bandes dessinés ayant longtemps oeuvrés pour Stan Lee. Nous lui devons notamment Captain America, Les 4 Fantastiques, L’incroyable Hulk ainsi que les Xmen. La filiation à l’univers de Doctor Strange reste néanmoins plus qu’évidente, entre ces voyages astrales et téléportations, et ses super pouvoirs issue de l’occultisme. Ajoutons à cela un talisman lui conférant la possibilité d’arrêter le temps et cela suffit à élever un peu l’intérêt limité d’un scénario cousu de fil blanc.
Il s’agit également d’un projet réunissant la famille Band au grand complet : Albert (le père) et Charles à la réalisation, Richard le frangin à la bande son, ainsi qu’Axel le fiston qui se verra gratifié d’un petit rôle. Jeffrey Combs tête d’affiche désormais récurrente des adaptations lovecraftiennes et productions maison (Reanimator, From Beyond, Castle Freak, The Lurking Fear, etc.) obtient le rôle principal. : celui d’un sorcier omnipotent et bienveillant charger de protéger la Terre de l’emprise d’un mage noire souhaitant ouvrir les portes de l’Oblivion pour nous balancer une horde de créatures démoniaques sur le coin de la tronche. Contrairement à son célèbre homologue, le docteur Mordrid s’avère être quelqu’un d’effacé, se tenant un peu à l’écart de la société, reclus dans un immeuble New-Yorkais qu’il tente d’administrer malgré quelques conflits de voisinage. Une curieuse enquêtrice va néanmoins s’intéresser d’un peu plus près à son profil ainsi qu’à son appartement, au demeurant très luxueux.
Comme souvent, le film se vend sur le simple concept d’une bande annonce tonitruante et rythmé réunissant toutes les meilleures séquences, en réalité étiré sur 1h15 où l’ennuie pointera parfois le bout de son nez. Notons tout de même des décors assez convaincants comme ce château flottant dans la voie lactée. Ce divertissement synthétise globalement les meilleurs aspects des nombreux DTV qui enrichissaient alors le catalogue de la Full Moon Features, destinés au marché de la vidéo. Cette réussite est à mettre au crédit d’une équipe artistique passionné, d’artisans et de techniciens chevronnés, capable de faire passer une modeste série bis pour une vénérable série B. Reste le défi des SFX et notamment celui d’animer un combat entre deux squelettes de dinosaures au sein du Cosmopolite Museum. Une tâche dont s’acquittera parfaitement le regretté David Allen maître illusionniste des effets spéciaux en stop motion qui savait apporter ce petit soupçon de magie et de fantaisie aux productions de la firme. C’est aussi grâce à cette séquence anthologique que Doctor Mordrid s’inscrit durablement dans notre imaginaire infantile et naïf, là où les bouillies de CGI estampillés Marvel Studio tombent instantanément dans l’oubli en raison d’un formalisme standardisé. Les mauvaises langues diront qu’il s’agit du Doctor Strange de chez Wish mais il n’est pourtant pas interdit de le préférer au « vrai ». C’est aussi ça le multivers.
Le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt. Alors s’il te faut un guide pour parcourir l’univers étendu de la Full Moon Features, L’Écran Barge te fera découvrir le moins pire et le meilleur de l'oncle Charles Band, le Walt Disney de la série bis !