A l'heure du trop plein de super-héros et à l'heure où DC se casse sérieusement la figure avec son changement de politique et ses énormes douches froides qu'ont été Batman v Superman et Suicide Squad, Marvel continue d'imposer sa marque de fabrique et d'appliquer sa recette qui ne cesse de faire son effet auprès du public. Après Civil War, 2016 marque l'arrivée de Doctor Strange et le constat est le même, la formule Marvel est toujours de la partie, au risque potentiel d'un manque de neuf. Sauf que des idées, Doctor Strange n'en est pas dépourvu.
Le docteur Stephen Strange, neurochirurgien aussi talentueux qu'arrogant qui considère presque ses mains comme des dons de Dieu, se retrouve victime d'un gros accident de la route et perd usage de ses mains. La nouvelle le détruit complètement, et il passe désormais son temps à rechercher un traitement miracle pour retrouver l'usage des mains. Ce qui le conduit au Népal, où il se découvrira un don pour la magie et pour les pouvoirs inter-dimensionnels.
Difficile de le nier, malgré une sérieuse impression de voir un film qui a un peu de mal à se détacher de la recette habituelle du Marvel qui fait mouche auprès du public, on sent que les intentions de faire un bon film sont réelles. Et le film n'a pas trop de mal à attirer la sympathie puisqu'il remplit sans difficulté le contrat du film qui divertit tout en proposant des choses intéressantes.
Ce qu'on retiendra surtout de l'entreprise, c'est un visuel tout simplement ahurissant. Pour peu que ça fasse penser parfois aux sacrées trouvailles visuelles de Inception et de Matrix, le réalisateur Scott Derickson exploite le mieux possible le concept du multivers et des dimensions variées pour livrer un sacré délire visuel trouvant son apogée lors d'une mémorable course-poursuite à New York qui n'aura pas de mal à retourner la tête du spectateur.
Ou alors lors d'un final très spectaculaire lorsque Doctor Strange affronte les méchants dans un Hong Kong qui remonte progressivement le cours du temps.
Stephen Strange est un personnage dont l'origin story teintée de quelques couacs notamment dans sa romance tout à fait dispensable et téléphonée marche assez. L'idée de suivre un personnage arrogant sur la voie de la rédemption n'est évidemment pas neuve mais propose des thématiques bien trouvées sur la vision du monde et de toutes ses facettes, ce qui est d'autant plus bienvenue que l'action n'est pas si présente qu'on pourrait le craindre, donnant une bonne importance non négligeable aux dialogues. De plus, le personnage gagne en empathie au fur et à mesure de l'histoire, dans ses doutes, sa capacité à se rendre compte du poids qu'il tient sur ses épaules et du destin qu'il tient entre ses mains, tout en gardant une certaine touche d'humour dans ses paroles. La prestation de Benedict Cumberbatch contribue au capital sympathie du personnage.
Si Doctor Strange propose un spectacle généreux, malheureusement il est assez maladroit de temps en temps, et particulièrement dans son humour, marque si propre à Marvel, car les petites touches d'humour pour égayer l'aventure peuvent être bienvenues sans se faire omniprésentes. Hélas, Doctor Strange tombe dans ce travers en proposant parfois plus d'humour que nécessaire, même si certains moments sont véritablement marrants. Notamment une scène à la bibliothèque où Strange dérobe plusieurs livres sous le nez de Wong.
Doctor Strange se retrouve également dépourvu de méchants véritablement marquants puisqu'ils se révèlent au final assez transparents. C'est dommage parce que sur la forme, Mads Mikkelsen est sacrément badass et n'a aucun mal à se montrer imposant, et le design de la dimension noire est très réussi. Il leur manque simplement une écriture novatrice, puisqu'il ne reste au final que des méchants qui veulent s'emparer du multivers tout en semant le doute chez le héros et en faisant croire à une certaine idée d'utopie.
Le film peut heureusement compter sur la BO de Michael Giacchino pour contribuer au rythme du récit, en plus de proposer certains morceaux qui changent un peu du registre habituel du compositeur, avec une certaine influence psychédélique qu'on croirait sortie des Pink Floyd.
Si Doctor Strange ne trahit pas le cahier des charges de l'entreprise Marvel, il n'est pas dépourvu de bonnes idées et aussi imparfait qu'il est, il n'a aucun mal à proposer un divertissement de haute volée, dont on retiendra surtout un visuel remarquable et sacrément généreux, et une certaine forme de magie qui fait mouche auprès du spectateur. La preuve que si Marvel a un peu de difficulté à se réinventer, l'entreprise n'a aucun mal à divertir et à proposer un spectacle très honnête et sincère dans sa démarche. Et c'est l'essentiel.