Dog Bite Dog par Christophe Muller
"Dog bite Dog" a été catalogué Cat.III, catégorie qui se fait rare et qui a regroupé depuis sa création à la fin des années 80 des films jugés excessifs dans le paysage du cinéma hongkongais, comme "Ebola Syndrome" ou "The untold Story" il y a une dizaine d'années pour les plus connus. Mais dans le cas présent, point de démesure gore, puisqu'il s'agit d'un film certes à la violence omniprésente, parfois même de façon extrême, mais qui reste avant tout un polar très noir qui donne un grand coup de pied au cinéma HK actuel. Les "couleurs" dominantes donnent d'emblée le ton : le spectateur peut s'attendre à être marqué. L'ambiance est en effet au nihilisme ; ce n'est pas pour rien si le titre du film ressemble à l'expression "dog eat dog", qui décrit le chacun pour soi au détriment des autres.
Pang est un jeune Cambodgien, dont le quotidien consistait jusque là à tuer sans se poser de questions lors de combats clandestins. Quand il débarque à Hong Kong, il erre d'abord anonymement, quelque peu déphasé, mais il est là pour un contrat qu'il exécute sans problème. La police se met alors à sa poursuite, mais elle ne fait guère le poids ; seul Wai, flic sur le début brutal et borderline, semble avoir une chance de lui tenir tête. De plus, comme s'il avait été contaminé par l'enragé qu'il poursuit, il laisse les lois derrière lui, et s'abandonne pour finalement devenir une bête fauve comme son adversaire, en quête pour éliminer son rival.
La chasse à l'homme ressemble à la traque d'un animal sauvage lâché en pleine ville, qui a pour le coup vraiment des allures de jungle urbaine : un Hong Kong poisseux, loin des buildings classieux, nous conviant sous forme de safari à une visite de rues abandonnées, de décharges, de tripots... Dans sa cavale, Pang a beau croiser une jeune femme comme lui née sous une mauvaise étoile et qui réveille en lui des sentiments différents, sa froideur se retrouve toujours opposée à l'hystérie de Wai devenu à son tour un barbare. Les morts s'accumulent, le combat est une lutte à mort où seul le plus fort survivra, quels qu'en soient les moyens.
Ni film d’auteur ni film d’action formaté, "Dog bite Dog" ne fait pas la moindre concession, dans le sang, la sueur et la crasse. Ses deux personnages principaux semblent bons pour être piqués, et Edison Chen ("Infernal Affairs 2") en tueur sans état d’âme comme Sam Lee ("Made in Hong Kong") en flic violent donnent leur maximum en ce sens. La bande son mélange musique et bruitages bien trouvés, un peu comme ce qu’on peut entendre dans les films de David Lynch, avec même des grognements et des jappements lors de certains affrontements.
On peut penser à l'influence d'autres films, la surenchère louchant du côté de la Corée du Sud, et on peut aussi reprocher au réalisateur Soi Cheang de vouloir de façon flagrante frapper un grand coup, car à force d'accumulations dans le pathétique, le résultat est parfois contre-productif, le film y perdant alors en efficacité. Mais le spectacle ne se veut à aucun moment complaisant ; au contraire, il s'agit là d'un film finalement audacieux, qui n'a pas peur de déplaire au grand public.