« Dommage que tu sois une canaille » apparaît comme l’ébauche d’un genre qui fera les beaux jours du cinéma international, la comédie italienne. Et l’on ne pouvait rêver mieux comme entrée en matière ! Paolo, jeune chauffer de taxi, va tomber sous la férule de Lina, escroc à la petite semaine, dont la sensualité et la suavité le rendent fou. Il va être mêlé à une série d’imbroglios où il deviendra, à son insu, le complice des larcins de Lina, mais aussi de son père et de quelques comparses. Le ton général est donné et c’est dans ce bouillonnement permanent que s’ouvre à nous un jeu d’acteurs extraordinaires. Le tandem Sophia Loren et Marcello Mastroianni, bien sur, dont c’est le premier d’une longue liste de films tournés ensemble, mais surtout Vittorio De Sica (réalisateur entre autre de chefs d’œuvres, « Le voleur de bicyclettes » ou « Le jardin des Finzy-Contini).
On retrouve dans « Dommage que tu sois une canaille » toutes les qualités du genre, critique acerbe et ironique de la société (marginalisation du bien au profit du mal), prépondérance des acteurs, humour grinçant, satire des mœurs, emportements ou débordements… Sophia Loren incarne merveilleusement cette jeune femme libérée de tous complexes, qui n’attend des hommes que de la poigne. Mastroianni, en jeune homme éperdu de désir, se veut toutefois le garant de l’honnêteté, ce en quoi il s’oppose à Vittorio le père de Lina, véritable symbole de l’Italien roublard mais au bon fond porté par un Vittorio De Sica prodigieux. Bien évidemment, on s’agace un peu des sarcasmes de Blasetti sur les comportements de l’après-guerre (diatribe contre la jeunesse d’alors replacée dans les dialogues), le réalisateur fervent défenseur du régime de Mussolini étant plutôt mal placé pour donner des leçons.
Par la redondance de l’action, où l’unité de lieux est primordiale (garage, taxi de Paolo, la rue), les dialogues qui s’enchaînent en cascade, les mensonges de Lina auxquels Paolo ne cesse de croire pour mieux tomber de haut, la saveur des traits de chaque personnage (la scène finale du commissariat tient de l’anthologie), on assiste là à une très belle réussite et l’on passe un moment délectable !