Depuis combien de temps n'avons nous pas vu un vrai film de genre parfaitement réussi ? En poussant un peu, on a envie de dire depuis la fin des années 70... puisque c'est clairement à cette époque de la série B que Fede Alvarez se réfère avec son impeccable "Don't Breathe". Le genre est donc le home invasion movie (et Alvarez dépasse clairement le Fincher de "The Locker Room"...) qui vire au survival movie (la liste est plus longue, mais "Don't Breathe" ne démérite pas). La grande intelligence ici est de ne faire aucun second degré, de ne nous offrir aucun trait d'humour, aucune mise en abyme, aucun recul par rapport à des situations aussi extrêmes que parfaitement crédibles : "Don't Breathe" est à proprement parler un film asphyxiant par le stress continu qu'il génère, brillamment renforcé par un contexte social fort (les quartiers en ruine de Détroit, et la misère générale qui gangrène le moindre comportement), et auquel Alvarez donne plusieurs tours d'écrou successifs en complexifiant peu à peu son effrayant personnage d'aveugle retors et quasi invincible. En refusant la perche tendue du fantastique (même si "Don't Breathe" se balade à la frontière des terres de Wes Craven), en ne sacrifiant quasiment jamais aux artifices usés du film d'horreur standard, Fede Alvarez nous offre ainsi de nombreux moments délicieux (car fréquemment insoutenables) d'angoisse. On regrettera quand même que le scénario n'aille pas complètement au bout de sa logique nihiliste, les personnages tous plus abjects les uns que les autres méritant largement l'extermination, et on craint un peu la possibilité d'un sequel du fait d'une dernière scène dont on se serait bien passés. [Critique écrite en 2016]