Quand t'as pas nécessairement de talent d'analyste, de critique cinéphile, il faut trouver des combines, t'es marrant toi. Ce film n'a pas tellement de rapport avec Reese Witherspoon ceci dit, si ce n'est le talent assez discutable il est vrai de la chouchoute incontestée de Fede Alvarez, Jane Levy. Jane Levy, c'est un peu la fille cachée de Emma Stone et Milla Jovovich. Et donc, certes, elle est plutôt agréable à regarder. Comme Don't Breathe, un thriller honnête et divertissant qui, malheureusement, ne fera pas date dans le paysage horrifique américain.
Et c'est pourtant ce qu'avaient promis mes éclaireurs et certaines critiques presse, notamment celle de l'affiche qui annonçait Don't Breathe comme le film le plus terrifiant de ces 20 dernières années aux Etats-Unis. J'annonce que c'est la critique de film la plus pétée de ces 20 dernières années, il n'y a pas de doute. Car si le film tombe très peu dans les screamers à outrance et dans une facilité d'épouvante il est vrai trop épousée par ses pairs depuis les années 2000, il en reste une aventure au scénario inventif mais résolument fade, où les incohérences sont légions et discréditent, à chaque nouvelle minute du film, le propos d'un Fede Alvarez qui semble bien parti pour nous resservir à chaque film les mêmes défauts et les mêmes qualités de réalisation. Réalisateur et scénariste du remake d'Evil Dead, il connaissait déjà à l'époque une incapacité notoire à transcender son message, à garder une identité propre et à développer ses arguments pour être à la hauteur de sa mise en scène. Car dans son Evil Dead, comme avec Don't Breathe, on sentait qu'il maîtrisait déjà beaucoup l'aspect angoissant et la peur latente qui pouvaient se dégager du potentiel de ce qu'il était en train de créer (ou recréer).
En terme de mise en scène, le mot "exceptionnel" peut revenir à plusieurs reprises, tant le travail sur les lumières, la pénombre, est intelligent, tant certains plans sont magnifiques, teintés d'un amour du cinéma de genre assez incroyable, tant il aime pousser le vice jusqu'au bout, et étrangler le spectateur pour ne jamais le laisser respirer. Un réalisateur qui comprend que tout n'est pas dans le cut et la musique abrutissante, qui aime laisser vivre sa caméra, un réalisateur qui fait de son ancien soldat de l'Irak l'acteur total, omniscient et omniprésent de son long-métrage, véritable métronome de la peur de ses personnages et de ses spectateurs. Sans monstres, avec peu de jumpscares, dans un huis-clos quasi total et avec une fin qui s'annonce absolument tragique - c'est d'ailleurs la scène d'ouverture. La cécité du ténébreux gardien des lieux, procédé déjà utilisé dans pas mal de films, est quasiment toujours très bien utilisée, plus qu'un gadget, elle est au cœur de chaque scène, de chaque mouvement, elle est le moteur d'un film qui base toute sa complexité dessus. Elle permet, entre autre, aux spectateurs d'être surpris et constamment sur le qui-vive, elle apporte une donnée aléatoire à ses coups, ses tirs, ses gestes spontanés et isole le tueur badass comme elle isole les victimes. Une idée scénaristique qui, évidemment, n'est pas sans reproches ni sans retournements de situations farfelus.
Néanmoins, si le travail sur l'image et la conception de la peur (un travail absolument indispensable, et il faut encourager ce genre d’initiatives), il en reste un film qui s'apparente beaucoup plus au thriller qu'à l'épouvante, ne répondant que partiellement aux codes du genre sans jamais effrayer le spectateur - on se contente d'une très forte identification aux personnages. Et d'une fin ouverte absolument grossière. Les messages du film ne sont pas clairs, quasi-politiques (la guerre, les laissés pour compte, l'argent, la vengeance, l'amoralité, la justice "humaine") mais franchement pas intéressants, relégués au second plan par l'enjeu premier du film : survivre. Les acteurs sont moyens voire mauvais, si ce n'est Stephen Lang à la voix thegrudgienne, et les incohérences trop multiples et pour le coup trop significatives de l'épouvante facile et pop-corn qu'il est difficile de vraiment profiter de ce film, loin d'être parfait mais nécessaire, car c'est d'après moi sur cette voie que l'horreur devrait s’engouffrer.
Allez voir ce film.