Don't Worry Darling devenait principalement connu pour ses problèmes humains que par sa teneur artistique. Le feuilleton tenu par Olivia Wilde, Harry Styles et Florence Pugh, loin d'être conclu, s'est accordé un temps de pause lors de la sortie du métrage. Passé tout ça, que reste-t-il du film ?
Le long métrage d'Olivia Wilde se déroule dans une simulation virtuelle à la Matrix où le monde est régit par des règles et des éléments bien précis. Bloqués à leurs insu (ou pas) dans une ville des années 1950 fantasmée, les personnages vivent dans une boucle dont ils ne peuvent sortir. En effet, ils font incessamment la même chose, et cela se ressent sur la réalisation et le montage avec des plans qui reviennent comme ceux du petit déjeuner. Plus l'intrigue va avancer, plus nous reverront ces plans, mais cette fois d'un autre œil. De plus, la réalisation a l'intelligence d'ajouter des éléments qui n'étaient pas présents avant pour ajouter davantage d’étrangeté et de mystère. La symbolique du cercle, au-delà d'être inscrite dans la temporalité du métrage, est une image forte que nous revoyions sans cesse. Elle est présente chez les danseuses, dans le plan de la ville, et dans la réalisation avec la séquence au bord de la piscine où les travellings tournent autour des personnages comme pour indiquer qu'ils ont les mêmes sujets de discussions. Toute cette réflexion sur la circularité mène finalement à une seule chose : l’œil. Dans les mondes fictifs où le contrôle omniprésent, l’œil est un symbole très fort. Dans ce film, il est tout autant que c'est par les yeux que les gens ont accès à cette simulation. Plongés dans un rêve éveillé, ils ne peuvent s'en sortir en fermant les yeux, en brisant cette boucle.
Le cercle est la forme géométrique représentant la perfection. Victory – la ville fantasmée – est une cité bâti dans cette optique. Cadré de telle sorte à ce que tout doit parfait, cette utopie connaîtra un déséquilibre lorsqu'Alice émettra des doutes sur ce monde. Ce déséquilibre sera montré à l'écran via des séquences d'hallucinations qui nous sortiront, au même titre que la protagoniste, de cette ville parfaite. Le doute se forgeant dans l'esprit d'Alice se matérialisera aussi d'une façon plus subtile. Les miroirs, qui symbolisent le plus souvent en fiction le passage d'un monde à un autre, sont ici le reflet de l’emprisonnement des personnages, et desservent cette volonté d'une simulation encadrée. Il y aura bien évidemment une séquence d'hallucination avec eux, néanmoins, c'est dans un plan de la « vie courante » qu'ils auront le plus de sens. Alors que dans les premières minutes ils sont tous ordonnés – à l'instar de ceux faces à la baignoire –, dans un plan, ils sont éparpillés dans le cadre. Ceux-ci reflétant Alice, nous comprenons que ses doutes sont bels et biens réels. Nous regretterons malgré tout que le film n'appuie pas assez sur la perfection millimétrée de la ville pour renforcer la sensation de déséquilibre. D'un autre côté, nous aurions pu nous attendre à des séquences d'hallucinations plus fréquentes et surtout plus inventives. Il y avait largement la place pour aller plus loin. Finalement, ce qui nous sort le plus du métrage ne sont pas celles-ci mais les erreurs de montage, notamment au début où il y a des coupures de plans absurdes.
La simulation virtuelle du métrage a été crée par un homme pour des hommes. Par ce concept, pouvant plaire ou non selon la sensibilité de chacun, le film se place contre le machisme des hommes, et pour la l'indépendance des femmes. Nous sommes dans Alice au pays des hommes. Il est intéressant que la ville se nomme Victory car les hommes sont dans la vie réelle des perdants. Face à la force de leurs compagnes, ils sont minables. Par jalousie et fierté mal placé, ils souhaitent à tout prix travailler à leurs places et subvenir à leurs besoins. Le choix de placer Victory dans les années 1950 est alors pertinent car à cette époque, l'homme travaillait tandis que la compagne était femme au foyer. Les vraies gagnantes seront néanmoins les femmes par le biais d'Alice qui réussira à s'enfuir de ce monde imaginaire.
Vainqueurs dans le film, elles le seront aussi dans le jeu d'acteur. Florence Pugh porte le métrage à elle seule. Dans le tandem qu'elle forme avec Harry Styles, ce dernier ne va pas du tout à la même allure que l'actrice. La différence de niveau entre les deux est abyssale, au point que les voir jouer ensemble en est presque gênant pour l'acteur britannique. Harry Styles est aussi faux que le monde dans lequel son personnage vit. C'est bien dommage car la qualité du film aurait grandement été revu à la hausse s'il n'y avait pas eu le retrait de Shia Labeouf du projet. Pourtant, Chris Pine – l'autre acteur masculin phare – est bon dans son rôle de gourou, mais la conclusion de son personnage renvoi à un autre problème inhérent au métrage : le scénario. A l'image de l'acteur masculin principale, il est trop édulcorée et lisse, et aurait mérité d'être modifié sur certains points.
Plongé dans une spirale négative, Don't Worry Darling s'en sort finalement bien. Si l'essence du concept peut déplaire, visuellement il est intéressant même si nous restons sur notre faim. Malgré tout, l'essentiel, au vu de tout les soucis qui ont entaché sa sortie, est qu'il soit regardable, et il l'est.