Olivia Wilde ne démérite pas dans une mise en scène travaillée et surfe sur de nombreux clins d'œil, comme bon nombre aujourd'hui. The truman show pour la réalité alternative, Get Out pour le retour de manivelle dès lors que l'on gratte un peu sous le vernis. Et curieusement, plus récemment à la série Them - qui elle même convoquait déjà quelques souvenirs cinématographiques - pour un couple confronté à des voisins dangereux dans le cadre idyllique d'un lotissement aux pelouses bien tondues.
Ce sera le cas pour Alice, jeune femme au foyer, adepte du ménage et de la cuisine, sourire aux lèvres et toujours si bien apprêtée. Mise en danger par les hommes et par effet rebond son mari influençable et faible ce sont aussi par ces femmes qui semblent se contenter de ne pas réveiller leurs souvenirs. Reste à savoir si leur facilité d'acceptation vient de la manipulation à laquelle elles sont soumises ou s'il s'agit juste du petit coup de pouce à s'arranger d'une vie soutenue. Olivia Wilde en profite par un focus sur une société qui malmène également les hommes, nous montrant son mari Jack, hirsute et bien moins confiant dans la vraie vie. Mis à mal dans sa virilité et son rôle dédié au soutien de famille, c'est alors toute une société bancale qui nous ait montrée, alimentée par les comportements de chacun, aux vies menées en parallèle, pour révéler une décision des plus dérangeantes.
Les années 50 et son imagerie du rêve américain, enrobés dans une jolie luminosité qui vient en porte-à faux de la noirceur du propos pour un cadre de vie du futur et du rêve éveillé, pour ceux qui veulent vivre dans la négation parfaite. Un pis-aller à leur vie réelle nettement moins glamour, soutenue par Franck (Chris Pine) séducteur et manipulateur à leur vendre du vent.
Et de cette imagerie nous vient à l'esprit nombre de films des années 50 mettant en valeur les actrices en parfaites potiches du moment. Olivia Wilde joue alors des codes du cinéma, de ses décors de cartons pâte et de ces femmes à la beauté éternelle et coordonnées vestimentaires pour toutes les heures de la journée. Elle nous projète dans un monde de poupées où tout semble tourner en rond comme cette ville fictive de Victory dont on ne verra jamais les frontières.
Malgré les défauts d'un scénario qui s'arrange de ses incohérences, Olivia Wilde réussi à maintenir un flou ambiant, jouant d'un environnement inquiétant, à marquer l'enfermement et la paranoïa. Florence Pugh (Alice) reste dans le déjà vu, malheureusement, de celle qui prendra conscience de sa condition par de violentes manifestations mentales et les réactions associées aux expressions souvent à l'identique. Dès lors d'une mort suspecte, Alice jusqu'alors sceptique se voit investie à chercher la vérité avec une précipitation étonnante, alors que le factice de la nourriture la voit passer à autre chose, pour se perdre ensuite dans une répétition de scènes cauchemardesques pas toujours lisibles.
Harry Styles (Jack) joue la complexité pour un homme s'arrangeant entre ses désirs et sa moralité. Son personnage rend parfaitement compte de l'écran de fumée et de la dangerosité de ces hommes soumis eux aussi au patriarcat.
On regrettera le peu de présence et d'approfondissement du personnage de Franck qui laissait présager d'enjeux plus soutenus que de nous faire admettre que la haute technologie ne serve qu'au seul désir des hommes à soumettre leurs épouses et malheureusement, une scène particulière devant être le summum de la tension et du duel psychologique entre Alice et Franck ne fera pas honneur à l'intelligence féminine.
On nous rappellera le début des crédits qui ouvrait de nouveaux horizons à la consommation. L'alcoolisme mondain pour les hommes et les achats compulsifs pour les femmes. Un monde dystopique où elles ne seront qu'objets et faire-valoir à un monde dirigé par les hommes,
Si le suspense fait son œuvre, du moins au début, on ne saura quand même pas grand chose des motivations de ce gourou, à rendre une vie meilleure à ses cobayes ou à changer le monde sans que le réel ne soit modifié alors qu'il peut l'être par ailleurs.
Même si on s'interroge à ces sujets qui peuvent sembler opportunistes, c'est quand même curieux qu'une femme réalisatrice doive essuyer multiples critiques, à croire qu'elle aura été bien inspirée.
Ceci dit, il est dommage qu'Olivia Wild supprime le final satirique et bien moins optimiste du livre d'Ira Levin alors que la version de 1975 de Bryan Forbes semblerait s'y tenir. C'est bien dans la noirceur d'un monde qui ne change pas qu'Olivia Wilde aurait pu terminer son histoire sans convoquer la course poursuite tellement attendue et encore mal gérée en matière de rythme et de temporalité avec un final expédié, qui sape son propos. On aurait aimé avoir un peu plus d'espace et d'ouverture à l'environnement global et aux personnages secondaires où l'un(e) en particulier est oublié(e) au final, comme si Wilde en oublier son retournement de situation.
Si on apprécie le geste, on apprécie moins la redondance, les clichés et la narration bien balisée et finalement sans surprise, ni prise de risque. Le bémol du métrage est donc plutôt un manque de créativité parmi les multiples références de la réalisatrice.