Le film qui relance les dés

Après avoir vu au début des années 2000 une version de Donjons & Dragons qui dépasse le terme de pitoyable, j'avais un peu de scepticisme face à ce nouvel opus. En effet quand une licence aussi vaste que D&D bénéficie d'un film, c'est souvent avec une approche assez cynique persuadée que les fans iront de toute façon le voir le film et qu'il n'y a pas vraiment besoin d'y investir de l'argent ou de la bonne volonté. Et c'est là que Donjons & Dragons l'honneur des voleurs est une excellente surprise, et va probablement connaître une très belle trajectoire.

L’histoire de D&D respecte tous les principes du jeu de rôle : c'est une quête dans un monde fantastique, qui va réunir une équipe dotée de compétences complémentaires et qui va enchaîner les étapes pour atteindre son but ultime. Ici il ne s'agit pas tout à fait de récupérer le trésor, mais de faire tomber un ancien compagnon devenu despote et de récupérer la fille du héros, avec en arrière-plan une sorcière qui a bien d'autres plans en tête.

Le film tire de son vaste matériau d’origine une intrigue relativement simple mais bien bâtie, cohérente et ouverte aussi bien aux afficionados comme néophytes du jeu de rôle. La grande force du film c'est justement d'être sans prétention et de ne pas se survendre. D&D se prend à la fois au sérieux sans être trop sérieux, injecte de l'humour sans jamais se dénigrer lui-même ni le spectateur, arrive à énumérer un certain nombre de références qui feront plaisir à ceux qui connaissent l'univers sans pour autant exclure ceux qu'ils ne connaissent pas — en évitant notamment d’en surjouer, glisse subtilement quelques répliques méta sans pour autant briser le quatrième mur (le fameux « pourquoi 5 questions ? c'est arbitraire » qui renvoie directement au pouvoir du maître du jeu ou de l'utilisation de la magie comme élément explicatif proche du Deus Ex machina, ou encore le caractère caricatural du paladin). ça fait encore une fois plaisir de voir que de plus en plus de films reviennent à un humour qui ne tombe pas systématiquement dans le cynisme, l'auto-dénigrement ou le désamorçage de blagues auxquelles on ne croit pas (coucou Marvel).

L’écriture des personnages est également de bonne qualité. Alors qu'ils sont nombreux et qu'il y a une vraie dynamique de groupe à créer, chacun a suffisamment d'espace pour développer plusieurs traits de caractère et pour nous laisser le temps de s'y attacher. Enfin, la production a réellement investi dans la technique. Là où on aurait encore une fois pu craindre une production cynique qui se contente de faire le minimum, D&D l'honneur des voleurs est généreux tant en décor naturels, en costumes soigneusement travaillés et en effet spéciaux d'une grande fluidité (le changement de couleur de la robe de sorcière est juste magnifique).

Alors c'est vrai le film n'est pas parfait, on peut noter des hésitations dans certaines directions artistiques qui passent parfois de l'hyper-réalisme au semi-cartoonesque, les intrigues se reposent beaucoup sur l'argument magique pour avancer, et les trajectoires de personnages sont assez convenues. Mais c'est finalement là où le film est gagnant : en admettant qu'il ne va pas révolutionner la roue, il se contente au contraire de solidifier ses bases. Peut-être me direz-vous que c'est juste qu'on a tellement baissé nos standards cette dernières années qu'on finit par célébrer un film qui sait tout simplement faire correctement son travail. Et en effet, je ne pense pas non plus que cette version de D&D restera dans les annales. Mais cela permet de changer un peu la trajectoire des films d'action actuels pour revenir vers une voie plus intéressante alors encenser le film mérite le coup.

C’est un film qui est plutôt beau, généreux, bien rythmé et bien joué. En vrai on n’en demande pas plus. Pour ma part j'ai baigné toute mon enfance dans les jeux de rôle et donc c'est un univers qui me parle. Mais je pense d'une part que le film reste accessible à ceux qui ne s'y connaissent pas et d'autre part c'est assez rare de voir une adaptation de jeux de rôle (que ce soit du plateau ou du jeu vidéo) d'aussi bonne qualité.