Un OVNI cinématographique, en plus de relever du barbarisme, est censé apparaître sous des formes étranges, obscures, peu communes et si le scénario suit cette voie, c’est encore mieux. Donnie Darko, bien qu’aisément compréhensible pour n’importe qui ayant les connexions neuronales branchées, pourrait grossièrement s’apparenter à la longue liste des OVNI filmiques qu’écrivent les cinéphiles bien-pensants dont la culture à ce sujet ne dépasse que trop rarement les frontières américaines. Pourquoi donc ? Le scénario est construit sous différentes timelines, déjà. Le héros est victime d’hallucinations éveillées et, en plus de cela, l’intrigue recule à l’endroit. Aussi, il existe un lapin géant, désormais symbole de la pop-culture, avec un masque horrifique qui suit le protagoniste principal en lui indiquant les marches à suivre. Pourtant, au-délà de cet aspect très ésotérique et de la fascination des adolescents frustrés pour ce héros psychopathe (alors qu’il est, vraisemblablement, sociopathe), le film est aussi impeccablement monté, avec un narration difficile mais intelligente ainsi que des acteurs crédibles, emportant avec eux des personnages hauts en couleurs.


Pour commencer, Donnie est un lycéen perturbé. Il est suivi par une psychiatre, assez intelligent mais sujet à des hallucinations éveillés et des crises de somnambulisme importantes. La nuit du 2 Octobre, Donnie se lève endormi, appelé par le fameux lapin qui lui annonce la date de l’apocalypse. Le soucis, c’est que durant cette nuit, un réacteur d’avion sorti du néant s’écrase dans la chambre du héros ; voilà ce qui cause un énorme bug causant une altération du temps et de l’espace.


Donnie devra donc continuer à obéir à Frank, en faisant plusieurs découvertes au fur et à mesure, chaque ordre de son ami imaginaire semblant l’amener à des rencontres précises et prédéterminées pour » la fin du monde « . Il s’intéressera notamment au destin, au sacrifice, au voyage dans le temps et à la divination pour essayer de mieux y voir dans ce bazar. De plus, il se met à voir des tubes de liquide sortant du ventre des gens et ondulant vers leurs destinations. Donnie commence alors à comprendre que la notion d’avenir et de prémonition vont se placer au centre des évenements.


À côté de ses délires, on retrouvera aussi l’entourage proche de Donnie. Il y a son père, éternel gamin avec du recul sur ce qui se passe. La mère, élégante et rigoureuse. La grande sœur, en pleine fleur de l’âge mais aussi la petite sœur ; héroïne d’une suite qui n’a jamais existé. Sans oublier, en dehors de sa famille, sa professeur d’anglais incarnée par une Drew Barrymore, aussi sexy que déconcertante. Le teacher de science qui va légèrement guider Donnie avec des conseils avisés. Grand-Mère-La-Mort, une voisine centenaire ayant, vraisemblablement, déjà vécu les mêmes étrangetés que Donnie et enfin, Gretchen Ross, la petite amie de ce dernier qui va jouer un rôle décisif sur l’épilogue.


Il faut aussi noter que chaque personnage, inconsciemment, connait déjà la fin du film ; ce qui justifie les différentes aides que Donnie reçoit, notamment celle du prof de science. Non pas parce qu’ils ont tous déjà loué le DVD mais parce que l’intrigue se déroule dans un univers parallèle, tangent qu’il est obligatoire de supprimer. Ce qui sera, d’ailleurs, la mission de Donnie pendant toute la durée du long-métrage.


Chose à noter : la pré-production de Donnie fut laborieuse, Richard Kelly voulant lui-même réaliser son script ; il dû se tourner vers de nombreuses personnes pour que le projet fonctionne. Alors que ce dernier était au point mort, Kelly réussi à obtenir Drew Barrymore qui monte le budget à 4,5 millions de dollars. Le réalisateur pense alors que c’est le minimum syndicale et, après réflexions, lance le tournage. Le problème, c’est que la production demande à Kelly de retoucher deux-trois trucs. Le metteur en scène s’en fout un peu, à l’époque ; son film va se faire, il va sortir, y’a un distributeur et tout.


Heureusement, la version Director’s Cut comme toutes les versions Director’s Cut ne change pas foncièrement l’intrigue. Elle ajoute des nuances, des passages qui, même s’ils ne sont pas nécessaires, approfondissent les personnages ; surtout la famille de Donnie comme le père et la grande-sœur. La thématique d’Halloween est aussi grandement mise en valeur. Cette nouvelle monture offre donc de nouvelles scènes, des extraits du livre que Donnie récupère au fil du récit et les musiques changent d’ordre.


Le film ne s’ouvre donc plus sur The Killing Moon de Echo and the Bunnymen ; le refrain de la chanson parle d’un destin inévitable et le titre du groupe reste assez évocateur. Cette chanson passera plus tard en arrière-plan seulement, remplaçant Under The Milky Way de The Church qui passera, encore une fois, à un autre instant. L’histoire commence donc plutôt avec Never Tear Us Apart de INXS qui n’offre pas la même émotion que The Killing Moon mais ça fait le taff. Que les plus craintifs se rassurent : Mad World, reprise par Gary Jules, est encore à sa place. De même que Heads Over Heels des Tears For Fears ; les auteurs originaux de Mad World.


C’est donc 20 minutes de plus qui nous sont offertes, le film approchant les 2h15 sans se traîner. Les scènes supplémentaires, comme déjà dit, approfondissent le récit et le rythme avec justesse ; il existe aussi quelques astuces de montage non présents sur la version basique, ce qui n’est pas négligeable. La Director’s Cut est donc tout à fait légitime pour redécouvrir Donnie Darko mais aussi pour le découvrir tout court ; les deux versions demeurent excellentes même si celle du réalisateur est, bien entendu, plus touffue.


Une fois que Donnie Darko s’achève sur une ending légèrement effrayant, une envie soudaine apparaît. Celle d’aller voir sur Internet toutes les théorie sur la fin du film ; quitte à se spoiler des détails que l’on avait pas forcément remarqué. Richard Kelly, lui-même, propose son interprétation personnelle mais appelle les spectateur à imaginer leur propre histoire.


Le réalisateur montre son génie à plusieurs moments en laissant énormément d’indices éparpillés de partout afin que le scénario demeure tangible. Se moquant même du Deus Ex Machina vers la fin, Kelly ne laisse rien au hasard. La première arrivée, dans le film, de Donnie au lycée (en plus d’être magistralement bien filmée) montre dans une seule scène tous les personnages liés au héros et touchés par ses actions. Chacun de ces protagonistes est d’ailleurs introduit dans le contexte où il existe.


C’est pour cela, par exemple, que la petite sœur de Donnie, Samantha, est montrée avec son groupe de danse qui aura une place déterminante dans les dernières minutes du film. Le tout sublimé par Heads Over Heels dont les paroles, encore un fois, sont importantes. Chaque élément relatif à la fin est donc présentés dès le début, faisant du long-métrage un grand puzzle où chaque pièce est dores et déjà disponible. Il n’en manque aucune.


Si Donnie Darko est souvent adulé des amoureux de thrillers psychologiques où se côtoient rêves et psychopathes, il serait dommage de le réduire uniquement à cela. En tant que film, le titre réussi déjà le pari d’être construit sans équivoque ni faute. Les liens entre les personnages et leur destin sont tous logiques et semés à plusieurs moments de l’intrigue pour que cela aide Donnie dans sa tâche.


Pour ne citer que ce moment : lorsque Donnie se réveille sur un terrain de golf. Il se fera rabrouer par le père d’un de ses amis et Jim Cunningham. Ce dernier est un orateur, beau parleur, joué par Patrick Swayze que l’on a vu dans Point Break. Quand un gars voit ce film, il devient bilingue en surf. Cunningham, nouveau venu, déteste voir un gosse pioncer devant son trou. Il se mettra donc à médire de lui dès que Donnie sera parti. Son intervention se soldera par un : » Ah, ce que je déteste les enfants « . Plus tard, le même personnage se retrouvera à prétendre vouloir aider chaque gosse à l’aide d’un programme factice. Si l’on ajoute à cela ses penchants pédophiles (inévitables pour que les événements finaux se mettent en place), cette simple phrase évoquant son mépris des enfant est significative de tout l’intérêt de son personnage.


Donnie récupère également un livre expliquant le voyage dans le temps, déjà évoqué. Plusieurs extraits sont montrés entre différentes scènes relatives à ces derniers. Cela permet au rythme de garder cette cadence soutenue ; en plus de nous montrer ce que le héros lit, approfondissant ainsi le personnage. D’autre fois, Donnie lâche des phrases qui nous emmènent d’une étape à l’autre, resserrant ainsi les liens qui les unissent. Quand il rencontre Gretchen, c’est après que son ami Frank lui demande d’inonder l’école. Il explique alors que sans cela, il n’aurait pas pu faire la connaissance de sa future copine. Le destin est un concept qui obsède Donnie car il a peur que le sien soit tracé ; la fin du monde l’effraie et le perturbe dans ses actions, facilitant ses différentes directives.


Il faut aussi reconnaître une esthétique à la fois sombre et lumineuse, contraste évoquant l’amour de Donnie pour la vie mais aussi son pessimisme envers elle. Sans cesse tiraillé entre le bonheur et la dépression, la photographie sait s’adapter aux humeurs du protagoniste principal afin de mettre en lumière ses émotions. La musique n’est pas non plus en reste. Chaque piste choisie accompagne sa scène avec aisance et majesté. L’ordre de trois morceaux changent d’une version à l’autre mais la différence ne demeure pas flagrante. Bien entendu, l’épilogue raffiné par la reprise par Gary Jules de Mad World demeure aussi percutante que mélancolique ; surtout lorsqu’on connait l’avenir de Donnie après cela.


En définitive, Donnie Darko surprend par ses qualités en tant que film mais aussi en tant qu’histoire. La réalisation est d’une minutie déconcertante tout en proposant des scènes mémorables comme celle du cinéma. Évidemment, c’est un long-métrage qui appelle à un nouveau visionnage afin de mieux comprendre tout ce que Richard Kelly nous transmet. Le Director’s Cut, par ses ajouts, peut alors apparaître comme une parfaite occasion. De même, pour ceux qui n’ont jamais vu le film ; un premier run avec la version cinéma puis, plus tard, un second avec celle du réalisateur (une opportunité pour le faire découvrir à quelqu’un et partager ses opinions ensuite). Mais même au delà de ça, Donnie Darko est un film qui fait cogiter. Sur la notion du destin, notamment, mais aussi sur son propre scénario. Il marque ainsi sa place dans notre esprit. Invariable au temps, il pourrait bien devenir un classique du cinéma dans quelques décennies.


https://raton-lecteur.fr/critique-cine-donnie-darko-directors-cut

Créée

le 18 août 2017

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Djokaire

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