Donnie. Après cette soirée passée en tête à tête, je suis partagée. Tu as su me séduire autant que me refroidir. Tu m'as parfois fait frémir, réfléchir, sourire, que des verbes en -ir. Plus notre histoire avançait plus je te trouvais prétentieux, exposant les multiples pistes de ton scénario bavard. Trop de lapins à suivre. Trop de thèmes abordés. Solitude, folie, mort, filiation, adolescence, religion, déterminisme, et tant encore. Comme Alice, je me suis égarée à poursuivre ce troupeau de lièvres de Mars.
Donnie, tu m'as subjuguée. Toi l'écrivain, le peintre, l'artiste. La création engendrée de la destruction. Franck le lapin, ton alter ego, toujours opposé à toi, dans un reflet, un négatif malsain. Cette créature dont tu es le géniteur et qui sera l'instrument de ta mort. La boucle est bouclée.
Donnie, j'ai aimé tes personnages, touchants dans leurs défauts, humains dans leurs qualités. Tous apportent du crédit à ton histoire, aucun ne fait de la figuration. Comme sur un échiquier, chaque pièce à son utilité.
Donnie, j'aime quand tu parles. Tu es inquiétant. Tu es lucide. Tu es multiple. Tu as les parents les plus kool du cinéma de l'année 2002. Tes sœurs m'énervent et m'attendrissent, ton père m'amuse et me peine et ta mère... je l'aime pour cette phrase, la plus belle scène du film, la plus pure de mes cinquante derniers films :
-Qu'est ce que ça fait d'avoir un fils barjot ?
-C'est merveilleux.
Merveilleux. Comme cette musique que tu traines toujours dans ton sillage. Si présente, enveloppante, qu'elle submerge. Quand la musique et le son deviennent des personnages.
Au final, on savait que ça ne pourrait pas marcher entre nous. Quand je t'ai vu dans ton costume de squelette, tu te savais déjà mort. Tu es plusieurs et pourtant si seul. J'ai lutté pour suivre tes pensées mais tu allait trop vite et trop loin. Tu t'es dispersé.
Je garderai de cette rencontre un souvenir brumeux, comme un rêve tenace qui garde la saveur du réel au petit matin. Une soirée enivrante sur laquelle il me sera difficile de m'exprimer. Tu aurais pu être l'unique. Tu seras le seul.