"Tout art est à la fois surface et symbole.
Ceux qui plongent sous la surface le font à leurs risques et périls.
Ceux qui sondent le symbole le font à leurs risques et périls.
En réalité, c'est le spectateur, et non la vie que l'art reflète.
La diversité d'opinion sur une oeuvre d'art indique que l'oeuvre est neuve, complexe, et vivante.
Où les critiques ne s'entendent pas, l'artiste est d'accord avec lui-même."
(Oscar Wilde, préface du roman Le Portrait de Dorian Gray, trad. Edmond Jaloux et Félix Frapereau)
Oscar Wilde n'a jamais connu le cinéma. Et pourtant, sa réflexion sur l'art est d'une cohérence remarquable avec cette forme d'art toute particulière, et peut-être la plus complète à l'heure actuelle, qu'est le cinéma. Elle colle en tous cas parfaitement à cette oeuvre qu'est Donnie Darko, oeuvre étrange entre toutes, qui a sans doute laissé béates autant de personnes qu'elle en a laissé perplexes...
Il est bien rare qu'une critique cinématographique soit réellement objective (d'ailleurs, est-ce que ce n'est pas encore Oscar Wilde qui a écrit que "la forme de critique la plus haute, comme aussi la plus basse, est une espèce d'autobiographie" ?), et c'est d'autant plus vrai pour ce film : qu’on le veuille ou non, toute critique qu’on en fera ne peut qu’être purement subjective.
Pour savoir si on appréciera ou non un tel film, il n'y a qu'une seule solution : c'est de le voir. Aucun conseil ne peut prévaloir, tout est une question de ressenti personnel. Donnie Darko se présente en effet comme un immense casse-tête, un film à l’intrigue complexe, déstructurée et absconse. On ne sait pas s’il y a véritablement quelque chose à comprendre dans ce film, mais pourtant, on finit par retomber plus ou moins sur ses pieds à la fin (en tous cas, dans la director's cut qui dure 20 minutes de plus que la version exploitée au cinéma et en DVD, et qui donne apparemment davantage de clés de compréhension).
"Tout art est à la fois surface et symbole. Ceux qui plongent sous la surface le font à leurs risques et périls. Ceux qui sondent le symbole le font à leurs risques et périls."
Qu’il y ait quelque chose à comprendre ou non, tout sera donc question d’interprétation, et on laissera aux esprits cartésiens le soin de chercher une explication rationnelle ou non. En ce qui me concerne, ce n'est pas la masturbation intellectuelle qui s'est déployée autour de ce film à travers de nombreuses théories plus ou moins cohérentes qui m'intéresse. Non, ce qu’il faut retenir de Donnie Darko, outre un Jake Gyllenhaal impressionnant d’intensité dans sa suggestion de la maladie mentale (sans oublier la musique de Michael Andrews qui l'accompagne parfaitement), c’est d’abord une poésie macabre, absurde et noire, mais tout-à-fait fascinante, quoiqu'elle a sans doute contribué à repousser un certain nombre de spectateurs.
C’est aussi une galerie de personnages torturés mais tous attachants, qui ne cherchent qu’à donner un sens à leur vie, et qu'on suit dans leur détresse face à leur destin inexplicable. Mais leur destin est-il vraiment tout tracé ? Le destin peut-il être changé comme cela ? Si Dieu tire les ficelles, quelle part de liberté laisse-t-il à l'homme ?
C’est encore une sensation étrange et informe qui vous habite et vous agite durant tout le film, et qui croît en vous sans que vous arriviez à lui donner un nom. Donnie Darko, c’est une œuvre insaisissable, obscure, que chacun ressentira de manière radicalement différente, de la pire haine qui soit au coup de cœur le plus profond.
"La diversité d'opinion sur une oeuvre d'art indique que l'oeuvre est neuve, complexe, et vivante."
Indéniablement, Donnie Darko remplit ces trois critères. Reste à voir si cela suffit à en faire un chef-d'oeuvre à vos yeux. Et cette question, nul autre que vous-même ne pourra y répondre.