Jackie Chan + Jackie Chan + Tsui Hark + Tex Avery

J'avais gardé un souvenir partagé de mon premier visionnage de Twin dragons, qui, je m'en souviens, m'avait déçu car je m'attendais à plus d'action, que j'ai trouvée finalement reléguée au second plan pour mettre en avant l'humour.
Mais il y a des scènes si mythiques dans le film que ça faisait un moment que je comptais le revoir, surtout qu'un de mes comparses fan de Jackie Chan ne l'avait toujours pas vu.

Twin dragons, c'est un mélange improbable : l'association de Jackie Chan, Jackie Chan, Maggie Cheung, Ringo Lam et Tsui Hark, avec une dose de Tex Avery. Je me demande si les scénaristes n'ont pas vu "Droopy's double trouble" en se disant qu'ils pourraient en faire un film d'action.
Le pitch est assez idiot : deux bébés sont séparés à la naissance, par un malfrat qui prend l'un d'eux en otage pour fuir la police (il emporte l'enfant sous son bras tandis qu'il chute d'une fenêtre !).
Les deux garçons grandissent ensuite séparément, l'un devenant un chef d'orchestre réputé, l'autre un voyou. Les deux sont joués par Jackie, mais on reconnaît le voyou à sa queue de cheval et sa boucle d'oreille. Un bad boy à n'en pas douter.
Chacun vit de son côté sans être au courant de l'existence de l'autre, même si par moments, ils partagent des sensations de l'autre. Si l'un joue du piano, l'autre agite les doigts dans le vide par exemple. Ce qui donne forcément des situations comiques hautement stupide.
Plus le film va, plus ça va loin ; j'ai halluciné devant certaines situations d'une débilité surpuissante, à en pleurer de rire, l'hilarité me coupant le souffle. La séquence du concert pendant la poursuite en voiture est incroyable, elle ne nous laisse aucun répit, pas le temps de reprendre sa respiration ou de se calmer, puisque sous nos yeux s'enchaînent les gags d'une bêtise géniale, Jackie Chan se donnant à fond, sans aucune honte. Et on apprend dans cette séquence que pour être maestro, il suffit d'agiter les bras dans les airs comme si on allait chuter en arrière. Ca m'a fortement évoqué un autre dessin-animé de Tex Avery aussi, l'un des meilleurs : The magical maestro.
Les scénaristes réussissent à trouver régulièrement des situations nouvelles tournant autour de quiproquos provoqués par les jumeaux, sans lasser, si ce n'est peut-être lors du combat final où une même idée est exploitée trop longtemps. Mais la séquence avec les deux héros dans le même bain, en compagnie d'une fille au courant de rien, est épique…
Même la musique a un air assez bête, évoquant les sons et bruitages d'un cartoon (autrement, il y a une des musiques du film clairement pompée sur James Bond).
Malgré l'influence du cartoon, on n'a pas droit à des images complètement loufoques (j'entends pas là les délires visuels comme dans le film Niki Larson, ou, pour ceux qui n'auraient pas vu ce dernier, The Mask), à l'exception de deux passages, l'un où un méchant rebondit comme une boule de flipper, l'autre où un médecin se révèle avoir des skills de maître de kung fu. Le film n'est pas exempt de moments purement WTF, sortis de nulle part.
Il y a toutefois une scène très risible pour laquelle je ne sais s'il fallait la prendre au sérieux ou non, celle où Jackie et Maggie Cheung jouent au piano ensemble, et s'imaginent en tenue de soirée avec des paillettes qui pleuvent sur eux...

Bizarrement, un des "gags" qui m'a plié en deux, c'est quand un des personnages se renverse du café chaud dessus… ça doit être aussi en raison de la voix française.
Une chose qui m'avait marqué la première fois, c'était le doublage (oui, car j'ai vu et revu le film en VF). Les répliques françaises sont énormes, les voix sont débiles, et pas forcément synchros avec le mouvement des lèvres. Dans la première séquence, à l'hôpital, les répliques se chevauchent, c'est un beau chaos. Les blagues des personnages sont complètement honteuses, et c'est ça qui les rend si savoureuses : "Pas vrai qu'elle ressemble à Maradona ? - Tu veux dire Madonna ?".
Les expressions vieillottes et ringardes qu'utilisent la moitié du temps les protagonistes donne un côté nanar bien plaisant, "tu veux finir avec les valseuses sur le pare-brise ?", "il valait pas un demi-radis", … On a même droit à un "Vous commencez à me les brouter" de la part de Jackie, et à un autre moment un propos limite homophobe, "hey je suis pas un phoque". De quoi déstabiliser les habitués de Jackie ; mon camarade fan de l'acteur n'en revenait pas.
Autre chose qui nous a surpris, c'est toutes ces allusions sexuelles, ces double-sens insistants. Un collègue de Jackie veut marier sa fille (prétendument infirmière), et il la pousse vers lui, "ma fille veut t'ausculter".
Le problème, c'est qu'elle a un mec, un biker qui en fait des tonnes, "groaaar, il a volé ma nana !". La fille finit à moitié violée par un des deux jumeaux.

Dans mes souvenirs, il y avait plus d'humour que d'action, et pourtant, j'ai été assez bluffé en revoyant Twin dragons, il y a tout ce qu'on peut attendre d'un film de Jackie Chan, et un nombre de scènes d'action au-dessus de la moyenne de certains de ses classiques comme les deux Armour of god. Les scènes d'action sont alliées à des idées véritablement excellentes d'utilisation du décor et d'objets divers, et sont remplies de gags très efficaces. On évoque très souvent les Armour of god comme étant des classiques dans la filmographie de Jackie Chan, mais Twin dragons est à mes yeux largement plus satisfaisant que ce soit concernant l'action ou la comédie.
Twin dragons m'a plié en deux, il m'a fait pleurer de rire, il m'a impressionné par moments grâce aux cascades de Jackie, et aux moments bien WTF.
Un chef-d'oeuvre de connerie.

PS : Il y a John Woo, Ringo Lam et Tsui Hark en cameos.