Depuis une caméra se baladant dans un grand et large tribunal, on suit un homme à la posture bien droite et à l'allure fraîche et emplie d'énergie se diriger vers une porte. La porte s'ouvre. L'homme en croise un autre plus âgé, transpirant, au regard blasé et d'une marche lente. Nous suivons maintenant cet homme qui, dans un couloir pleins d'euphorie, se dirige droit vers la session qui sera dite d'une grande importance pour le crime le plus fort que l'on peut commettre. 12 jurés doivent délibérer en comité. Le vote doit finir à l'unanimité ou il sera considéré comme un vote divisé. Le jeune suspect de l'affaire est jugé coupable par 11 d'entre eux. Heureusement, un homme censé décide en effet de lui laisser respectueusement une chance. La simple chance de pouvoir discuter de l'affaire et notamment des faits.
C'est après une scène d'exposition à la mise en scène incroyable que le vote se déroule. Après le vote, les 11 jurés se retournent contre le juré votant non coupable. Tout de suite, l'effet de masse s'installe. 11 contre 1. C'est forcément lui qui a besoin d'être convaincu. Il se trompe, qu'est-ce qu'il n'a pas compris ? Alors ces "indiscutables" faits sont présentés à tour de rôle. En tant que spectateur à ce moment là, on se doute de la suite des événements. Mais comment le récit va se dégoupiller d'un contexte avec de nombreux faits robustes où tous le monde semblent y croire dur comme fer à une fin où la balance va s'inverser ? Et puis pour couronner le tout, on découvre des personnages au caractère bien trempé dont par exemple un têtu, un pleins de préjugés et un autre pressé d'aller voir son match de baseball. Le match de baseball donne un indice du lieu (Yankees vs Cleveland). C'est obligatoirement à l'Est des Etats-Unis. Puis l'indication disant être la journée la plus chaude de l'année qui va avec laisse penser que ces hommes, pouvant en finir vite en vu de l'affaire facile à juger, ont de grandes chances de pouvoir profiter du beau temps dans un endroit un peu plus confortable et climatisé. Finalement, ils n'en profiteront aucunement. Et quand l'espoir de finir au plus vite s'estompera de plus en plus, la pluie s'incrustera...
Pourquoi ce film fonctionne ? Parce qu'il repose sur un scénario en boucle riche et légèrement complexe avec une forte caractérisation. Comme si l'auteur de la pièce de théâtre original Reginald Rose se défiait lui-même à résoudre une affaire impossible. C'est ce qui donne le gros mystère du film avec une question centrale : De quelle manière va-t-on arriver à une fin diamétralement différente ?
La caractérisation est très bien pensée. Elle permet d'avoir des personnages opposés, défendant leurs différentes idées selon la ferveur qui leur est propre. Certains s'énerveront, d'autres resteront calmes... . C'est là dessus, je pense, que se repose Reginald Rose pour apporter de la tension et des obstacles au récit.
En lien avec la caractérisation, les dialogues sont une grande réussite ! Les personnages ou la plupart ont tous des tags, ou disons, des mimiques.
Et enfin, la mise en scène ! Le choix de mouvement des personnages, le découpage des plans, les plans séquences en raccord au mouvements des personnages... C'est juste la chose qu'il fallait faire pour ce dont le film propose en support de par son récit. L'ensemble fonctionne merveilleusement bien.
Au final, on peut dire que le défi est accompli. Même si je trouve que certains personnages passent du coupable au non coupable un peu trop facilement...auquel cas je me répond à moi-même que ce n'est pas impossible !
Dans tous les cas, le regard du spectateur se modifie dans le même temps que les jurés changent leur veste. A savoir que personne n'a raison dans l'affaire. Mais des faits remis en cause perdent automatiquement de leur valeur et on ne peut pas juger quelqu'un coupable sans être sûr à 100% qu'il mérite sa peine.
On peut facilement déterminer après coup une leçon de pardon et d'humanisme. C'est ce qui est objectivement défendu par l'auteur au travers d'Henry Fonda, le juré n°8, tous le long du récit.
Mission réussi, après avoir partagé leur testostérone à coup de grosses goûtes de sueur pendant 90 minutes, la caméra épie à la sortie du tribunal le juré 8 et le juré 9 qui, avant de se dire adieu, souhaitaient mettre un nom aux numéros. Juré 8 et 9 deviennent alors Davis et McArdle.