Le nom de Jim Jarmusch, nouvelle référence d'un cinéma US indépendant, a beaucoup circulé ces derniers temps, et son dernier film, "Down By Law", bénéficiant d'un casting à la fois rock'n'roll (Tom Waits, qu'on ne présente pas, et John Lurie, des Lounge Lizards) et improbable (le clown Benigni, irrésistible...) a fait un carton à Cannes. Il nous fallait donc aller voir ça ! La singularité de Jarmusch, au moins dans ce film, réside dans une incroyable nonchalance de ton - pas vraiment d'histoire à raconter, et on a tout le temps pour le faire -, sublimée par une mise en scène que l'on ne peut guère qualifier que de splendide, et ce d'autant que l'image, dans un Noir et Blanc à tomber par terre, magnifie la moindre scène. Mais il n'est pas si facile de mettre le doigt sur ce qui fait que "Down By Law" fonctionne aussi bien : le mélange improbable de poésie un peu branchée et de trivialité ? Le talent qu'a indéniablement Jarmusch pour laisser ses acteurs "s'exprimer", presque en roue libre, dans ses dialogues à la fois hilarants et pas si gais que ça ? Le profond paradoxe au cœur du film entre une existence désespérante de losers et l'inextinguible énergie vitale qui les anime ? Toujours est-il que, même si l'on ne doit sans doute pas être dupe de l'aspect un peu "poseur", "branché" peut-être de ce cinéma, "Down By Law" nous touche et nous enchante. Peut-être nous rend-il même un peu meilleurs. Merci, Jim !
[Critique écrite en 1986]