Le cinéma indépendant est une démarche des plus solennelle, afin de faire corps avec des décors naturels, qui ont encore beaucoup à apporter et à raconter. Juste après avoir bouclé son « Bob and the trees », Diego Ongaro retourne du côté de ce Massachusetts rural, en y intégrant méthodiquement un citadin, star du rap, venu se ressourcer le temps d'une trêve éphémère avec ses responsabilités. Le cinéaste s'amuse donc à explorer l'intimité de cette artiste à travers des clichés qu'il déconstruit et détourne, au nom d'un humour décalé, mais toujours au service d'une tendresse bienvenue.
Le disquaire fait des chiffres, pour le compte d’une maison de disques qui cherche à préserver l’euphorie d’un public, lui-même qui s’approprie un peu trop le show, jusqu’à en oublier la star sous les projecteurs. Pourtant, nous n’allons pas dans la direction de ce cycle industriel sauvage, ou du moins indirectement, via l’exil d’un roi, sans couronne, sans public. Il se retire avec sa voix, ses pensées et son ouverture d’esprit, au cœur d’un environnement qui le fascine et qui l’inspire plus que ses beats ou ses tubes passés. Freddie Gibbs enfile sciemment le costume méta de cet artiste à la croisée des chemins, comme si sa crise actuelle actualisait une retraite anticipée. Un manteau de fourrure, un pantalon de chasse, des pantoufles et un brin d’humilité suffisent à rendre son personnage attachant et Mercury Maxwell l’est. Présenté comme un animal à l’ouverture, il reprend alors peu à peu le contrôle sur la vie qui lui convient, une vie de simplicité et de partage.
Le réalisateur français réussit à sublimer la nature, qui reconnecte tous les bipèdes qui s’y trouvent avec une leçon bienveillante et un sentiment de lâcher-prise fort. Il n’y a pas d’argent qui sortira Merc de sa zone de confort et ce n’est pas avec son extraordinaire sculpture, qu’il expose fièrement chez lui qu’il trouvera la force de s’évader. Il cherche à se faire un nom, un vrai, non pas un pseudo pour qui il ne fera que l’objet d’insulte ou de critiques sur les réseaux. De la sensibilité, il en a à revendre. Il suffit de le voir évoluer dans la ferme de Bob Tarasuk pour qu’il comprenne ce qu’il incarne au-delà de son territoire d’influence. Et ce rapport embrasse une autre pièce maîtresse de l’œuvre, la charmante Michaele (Jamie Neumann), rêvant de fuir cette campagne pour ses études. Il n’est donc pas tant question de mobilité que de stabilité, du moment que chacun soit en accord avec ce qu’il ressent.
« Down With The King » nous cueille ainsi, avec une galerie de personnages bluffant et des situations cocasses on ne peut plus réjouissantes. Ce qui manquera toutefois, c’est une rupture de rythme, souvent monotone et pas assez détonante pour que l’on profite pleinement de l’excursion en terres sauvages. L’idée de cette régression sert pourtant le récit, mais à demi-mesure, comme si un chant du cygne silencieux était en cours. Cela n’ampute ni la finesse ni la sagesse des propos qui s’en dégage, à noter que le casting réunit tout un ensemble de comédiens, professionnels ou non. Il aura le mérite de trancher sur le destin d’un homme sérieux, serviable et en phase avec sa propre humanité.