« Downfall: the Case against Boeing » revient sur l’un des scandales aéronautiques les plus retentissants du siècle, à savoir celui du Boeing 737 MAX. Ou comment il aura fallu deux accidents aériens successifs (2018 et 2019), des centaines de victimes, et une flotte mondialement clouée au sol, pour démontrer les failles de conception d’un appareil très vendu. Et surtout dévoiler la sombre réalité derrière l’image d’expertise rassurante du géant Boeing…
Il est fréquent de voir des documentaires ou reportages à charge facile et gratuite contre les industriels. La mauvaise foi, la méconnaissance technique, et la manipulation d’images ou de témoignages sont alors utilisées par les journalistes pour donner l’illusion que l’on assiste à une lutte entre David et Goliath, dont le public est friand. Mais « Downfall » n’est heureusement pas de ceux-là.
En effet, ce documentaire revient sur l’affaire du 737 MAX en s’appuyant avant tout sur de nombreux témoignages pertinents. Familles des victimes bien sûr, mais surtout plusieurs pilotes expérimentés (dont le célèbre « Sully » Sullenberger !), des anciens employés de Boeing, la FAA, ou les enquêteurs mandatés par le Congrès. Un panel riche, complété par de nombreux documents internes à Boeing et rendus publics par l’enquête. En conséquence, s’il est clair que le film est à charge contre Boeing (jusque dans son titre), il a les preuves tangibles pour le faire en relative objectivité.
On pourra pointer le fait que le documentaire ne fait ainsi pas vraiment de journalisme d’investigation, ne faisant « que » reprendre les éléments et les conclusions déjà évoqués par la commission d’enquête. Néanmoins, il parvient à le faire de manière pédagogique, synthétique, et technique, animations et schémas à l’appui. Si bien qu’un connaisseur du sujet n’apprendra sans doute pas grand-chose (si ce n’est d’apprécier l’effort de pédagogie), mais un néophyte y trouvera son compte sans mal. C’est donc finalement plus un travail de vulgarisation d’ingénierie que d’enquête, mais peu importe car c’est tout aussi importante pour une affaire de cette ampleur.
Et au-delà des causes apparentes des accidents, le film insiste sur leurs causes profondes. A savoir, le changement progressif de Boeing. Ce géant de l’aviation, reconnu pour son savoir-faire et son expérience, aurait donc vu sa culture de l’excellence technique et de la sécurité peu à peu érodée au profit d’une culture de résultat financier. Une analyse sans doute assez vraie, qui est néanmoins très focalisée sur Boeing, et ne montre pas forcément comment la FAA a appréhendé ce changement. Ni comment elle a pu se faire « duper » par Boeing sur le 737 MAX (laxisme ? tromperie très efficace de la part de Boeing ?).
Ce documentaire n’en reste pas moins un travail de pédagogie et de synthèse très intéressant sur l’aéronautique moderne.