"Downsizing", je l'avais raté au ciné et j'étais un peu triste. Faut dire que, malgré une presse assez tiède, le capital sympathie de Matt Damon et le concept "cartoonesque" du film me donnaient envie de donner une chance au dernier Alexander Payne.
Je l'ai donc rattrapé en streaming. Et c'était naze.
Les 30 premières minutes sont pourtant de bonne augure.
Des scientifiques Norvégiens découvrent un sérum capable de réduire la taille des humains, et y voient une solution définitive à la surpopulation planétaire, en passe de détruire les écosystèmes, d'assécher les ressources, et, à terme, de condamner l'espèce humaine. Des programmes sont donc mis en place pour permettre à des familles de se faire rétrécir et de partir vivre dans des colonies spécialisées, réputées paradisiaques, le tout à grand renfort de marketing et de communication.
Le film se présenté clairement comme une satyre tirant vers la dystopie d'une société à la dérive prête à se tourner vers les expérimentations les plus folles pour tenter de sauver l'humanité, et surtout de se donner une conscience écolo-humaniste tardive.
Mais bien sur, les personnes prêtes à se faire réduire jusqu'à la taille de 12 centimètres se contrefoutent pas mal de l'état de la planète et des ressources naturelles, et y voient surtout une opportunité de recommencer autre part, d'améliorer leur qualité de vie, d'échapper à la paupérisation...
Cette vision cynique de nos sociétés modernes industrialisées et faussement philanthropes est accentuée par une réalisation particulièrement réussie, sublimant les personnages hébétés et désincarnés face à ce nouvel horizon paradisiaque. Les couleurs sont saturées, les visages peu expressifs, et un sorte de "malaise cartoonesque" se dégage de l'ensemble, doublé d'un sentiment de médiocrité généralisée. Terry Gilliam n'est jamais très loin.
Les jeux sur les perspectives sont aussi assez réussis (la publicité de la colonie faite par les personnages de Neil Patrick Harris et Laura Dern est un exemple de ce que Payne fait de meilleur en terme de réal dans ce film).
Sauf qu'une fois rétréci et installé dans sa colonie (sans sa femme qui se rétracte au dernier moment), eh ben notre héros de Matt vit des trucs...pas très intéressants, mais surtout sans aucun semblant de cohérence, avec des bribes de thématiques abordées et jamais fouillées.
Il découvre son nouveau voisin (le croustillant Christoph Waltz dont le cabotinage intensif sauve quelques scènes du film), prend de la drogue (dans une scène visuellement assez sympa), rencontre une activiste politique vietnamienne avec une prothèse jambière, va porter secours aux populations défavorisés de sa colonie, avant de se rendre en Norvège au sein d'une secte néo-hippie.
Cet enchaînement improbable nous permet de survoler (de très haut) les problèmes sociaux propres à ce monde miniature, aussi sujet à la ségrégation et aux inégalités, d'entrevoir le cynisme de certains habitants et l'espérance fanatique d'autres en un monde meilleur. Très bien.
Sauf que notre héros (Paul de son petit nom), se contente de passer d'une scène à l'autre sans avoir la moindre idée de ce qu'il fait là. A partir de son arrivée dans la colonie des lilliputiens, il semble avoir rangé son libre-arbitre et sa construction psychologique au placard. Il se fait balader par de parfaits inconnus sans avoir un but propre, à aucun moment.
Ah, et il y a le personnage de l'activiste vietnamienne, du coup... Quelle horreur. J'étais à 2 doigts d'arrêter le film à chaque fois qu'elle ouvrait la bouche. Accent raciste ultra-forcé, caractère autoritaire et méchant ultra-monolithique (on comprend vraiment pas pourquoi le héros accède à ses requêtes), le personnage est insupportable, imbuvable, bref. Et dire que certains ont considéré l'actrice comme une "révélation", doux Jésus...
On enchaîne donc les poncifs niais et vides comme des perles: l'humanité court à sa perte, il faut d'abord changer le monde en aidant les nécessiteux avant de vouloir sauver la Terre, il faut s'entraider, tout le monde il est beau, on pense toujours que la vie est meilleure ailleurs... Sauf que tout ça sort de la bouche de personnages sous-développés, complètement osef, en sur-jeu perpétuel, donc ça marche pas. Normal.
Le pire, c'est que le début du film semblait promettre que certaines thématiques intéressantes seraient traitées, notamment la "valeur" des humains rétrécis par rapport au reste de la société, en terme d'impact économique, de droits civiques, etc...
Tout ça tombe à l'eau, remplacé par une romance grotesque et des péripéties fades qui ne vont nulle part.
"Downsizing" est donc, pour moi, le premier TRÈS MAUVAIS film de l'année. Dommage.