Au cinéma, tout a été fait ou presque. Aujourd'hui, pratiquement toutes les idées sont passées entre les mains de réalisateurs et scénaristes et le risque de se répéter, de déclencher un sentiment de "déjà-vu" chez le spectateur est de plus en plus grand. Bien sûr, selon l'expérience cinématographique de ce dernier, cela peut varier et beaucoup découvriront tel thème exploité de tel manière pour la première fois, donc avec un œil neuf dénué de cynisme.
Reste que oui, réduire les gens au cinéma, on connaît. De Chérie j'ai rétréci les gosses à Ant-Man, nous avons tous vu au moins un film sur le sujet. Et construire un scénario pour dénoncer la tendance qu'a l'Homme à saborder sa propre existence d'une façon ou d'une autre, je n'en parle même pas. Mais allier les deux sous couvert de la bonne vieille science-fiction pouvait faire passer de bons messages et un bon moment, d'autant plus avec un ton léger s'éloignant de toute mise en garde alarmiste ou moralisatrice... Au début. C'est là que Downsizing tape juste tout en donnant quelques coups dans le vide.
Déjà, le film se sert bien de son postulat de départ en première lecture, à savoir "Ne serait-ce pas amusant de vivre ainsi ?" / "Ne serait-ce pas génial si cette méthode existait ?". Je pense à toutes ces confrontations entre personnes de taille normale et les "downsizés" mais surtout au processus aboutissant à la réduction de Paul qui est un des meilleurs moments du film. On retrouve de manière générale ces détails sympathiques nous rappelant que l'on a affaire à un monde de lilliputiens mais par petites touches. En effet, le film ne base pas juste son idée sur le côté divertissant de la chose. Il est là pour faire passer un message. Or je parlais de détails "rappelant" le monde miniature. Car on oublie assez vite que c'est le cas.
C'est là la grande force du film, c'est quand il dénonce avec malice sans trop forcer la main. Le Downsizing est présenté comme une façon de redémarrer à zéro et d'obtenir un meilleur niveau de vie, devançant rapidement l'intention écologiste initiale. On remarque ainsi très vite la faculté qu'a l'Homme à répéter systématiquement les mêmes erreurs, consciemment ou non, aboutissant à un retour à la case départ. On retrouve des habitudes analogues, juste à taille de fourmi. Voici donc une certaine fatalité, à la fois effrayante car nous laissant aucune porte de sortie même avec une bonne intention, mais aussi amusante tant elle nous renvoie à l'absurdité de notre condition. Un aspect mis en lumière par le personnage de Christoph Waltz, embrassant totalement ce qu'il est et parfaitement conscient de ce paradoxe. Un Waltz cabotin comme à son habitude (la moitié de ses trognes dans le film pourraient devenir des memes) et toujours délicieux à voir jouer, ça va de soi.
Entre l'idée de base qui intéresse de bout en bout, le ton et l'ambiance qui nous placent dans un petit cocon moelleux, les messages qui sont pertinents et justifiés et les performances d'acteur qui enrobent bien le tout (la sobriété de Damon lui va très bien et Hong Chau vole une bonne partie des scènes), on devrait avoir un petit classique ? Hélas non. Outre un rythme assez lent (bien qu'il peut se le permettre vu son ton) et une durée trop conséquente, le film va parfois trop loin quand ce n'est pas nécessaire et parfois pas assez quand il aurait été pertinent de creuser.
Premièrement, outre les thèmes juste évoqués par hasard (les droits et devoirs des personnes réduites, l'impact économique sur le "grand" monde...) je regrette que les ellipses de temps très abusées du premier tiers nous empêchent de connaître le vrai impact du Downsizing sur le monde et l'évolution de celui-ci. Cela aurait pu être un reproche isolé issu de ce que j'aurais voulu voir et non imputable au film lui-même. Sauf que son troisième acte part sur un côté plus alarmiste qui aurait pu faire le lien avec tout ces thèmes. Au lieu de ça il fait un peu office de rupture ce qui nous sort un peu du film.
Deuxièmement, l'intention du film de s'attarder sur les marginaux du système est certes louable et permet la vraie redécouverte de soi du personnage de Damon, ce qui n'est donc pas gratuit. Hélas, cela rend Downsizing plus moralisateur et alourdit le propos, notamment par rapport à la première partie. Cela combiné au climax nous fait demander "tout ça pour ça ?" et accentue le sentiment de "déjà-vu" que j'évoquais (oh le retournement cliché que voilà aussi)
Certes, le dernier tiers n'est jamais anxiogène en dépit du sujet. Il est loin d'être dépourvu de belles scènes ou de moments de rire, tout en gardant son ironie mordante sur l'espèce humaine. Mais en privilégiant telle ou telle direction, Downsizing passe un peu à côté du sujet et rend ses belles intentions maladroites et incomplètes. Ajoutez à cela des effets spéciaux inégaux (l'incrustation n'est pas toujours du meilleur effet), un Damon certes très agréable à suivre mais effacé par ses partenaires et une fin anti-climax, et au final je suis ressorti du film en ne sachant pas sur quel pied danser. Avec de très bonnes sensations, car le film reste pertinent et plaisant, mais aussi un manque car je me dis qu'il y avait moyen de faire mieux.
De façon assez amusante, le film n'est pas assez grand pour laisser son emprunte, mais n'est pas trop petit pour passer inaperçu. J'en garde pour l'instant une satisfaction mesurée. A vous de voir selon vos attentes si vous serez gré ou non de le mettre dans votre poche.
[Critique en commun avec mon frère : https://www.youtube.com/watch?v=Esc92-tbaFM ]