Meilleur que le précédent volet qui n’était qu’une simple mais plaisante déclinaison cinématographique de la série télévisée, le film ravira les afficionados (que je suis !) de la saga des Crawley. Plus riche, plus inventif, cet épisode est un pur plaisir et nous rend nostalgique de cette époque (je plaisante, of course) ou au moins de la série.


Quoi de neuf chez les Crawley ? La comtesse douairière est gravement malade (et ça sent le sapin). Tom Branson se remarie avec la fille de Lady Bagshaw (Imelda Staunton, vue dans le précédent épisode). Sinon, la comtesse douairière a hérité une villa dans le sud de la France appartenant à un possible amour de jeunesse. Quel secret cache-t-elle ? La famille s’y rend à l’exception de Lady Mary qui doit gérer un tournage de film dans le château. Craquera-t-elle pour le beau metteur en scène ? Le valet Thomas fondera-t-il pour le bel acteur.


La partie la plus intéressante du film est assurément tout ce qui concerne le tournage du film. Il s’agit d’un film muet. Le film présente comment se tournent ces films. Il y a des dialogues écrits bien sûr, mais les acteurs sont libres de dire les textes. Comme le dit lui-même l’acteur, la performance relève plus des mimiques que du jeu. Mais au détour des années 30, le cinéma parlant pointe le bout de son nez. ‘Le chanteur de jazz’ est déjà sorti et les films muets font moins de recettes. Par un choix scénaristique, le film devra finalement être sonore. Le film montre très bien l’enjeu et les inquiétudes de ce changement majeur pour les comédiens du muet qui ont le physique et l’expressivité mais pas la voix qu’ils n’ont jamais eu à la travailler. Ils sont bien sûr menacés par les comédiens de théâtres qui eux utilisent leur voix depuis toujours. L’intrigue n’est pas sans rappeler le classique de Stanley Donen ‘Chantons sous la pluie’. Si l’acteur semble s’en sortir, l’actrice a un accent à couper au couteau. C’est même Lady Mary qui la double vocalement. Shocking !


La partie qui concerne le sud de la France est assez plaisante. Déjà, on voyage. Bien que Nathalie Baye dans le rôle de la veuve de l’amour de jeunesse soit un peu sous-exploitée, cette intrigue montre la grande différence entre la noblesse britannique et française. Evidemment, les régimes politiques ne sont pas les mêmes. Mais surtout, la noblesse anglaise impose de gérer un domaine, un rôle de leader local, une position de rigueur morale. En revanche, la noblesse française est simplement une position sociale et financière. Les de Montmirail (mais pas ceux des Visiteurs !) n’ont pas d’attache autre que celle de la propriété sur cette villa.


Contrairement à la série et au premier film, la scission ne se fait pas en fonction de la position sociale. On est dans les années 1930. Les familles comme les Crawley ont moins de pouvoir, moins de richesses et ne vivent plus dans le faste du début du siècle. Le personnel a été réduit. Daisy et Andrew vivent hors de la maison. Les fuites du toit et les bassines dans le grenier vont d’ailleurs en ce sens. La famille ne peut plus couvrir le coût de la maintenance du domaine. Amusant de se rappeler que Philippe de Broca utilisait les fuites dans le toit pour symboliser les difficultés du châtelain dans ‘L’as de piques’. Revenons au film qui nous occupe. Deux scènes très drôles viennent souligner les évolutions sociales. L’une dans laquelle un vendeur prend l’ex-majordome Carson et Lady Bagshaw pour un couple mariée (allusion évidente au fait que les acteurs Jim Carter et Imelda Staunton sont mariés à la ville). L’autre dans laquelle les domestiques engagés comme figurants du film s’assoient à la table de leurs maîtres le temps de tourner une scène de repas. Logique, puisque dans les années 1930 (la nouvelle ère du titre !) ces hiérarchies sociales sont vouées à s’atténuer ou disparaître.


Evidemment, le grand plaisir est de voir les personnages évoluer. Lady Mary est malheureuse en mariage et sera (peut-être) séduite par le metteur en scène. Lady Edith s’est remise au journalisme. Lady Violet est malade et une vieille histoire la rattrape qui affectera (toujours peut-être) Robert. Sinon, l’inénarrable Moseley concrétisera (encore une fois peut-être) avec Baxter. Enfin, le valet Thomas trouvera-t-il chaussure à son pied ? Evidemment, il est futile de souligner que tous les acteurs britanniques sont absolument excellents.


Le film est pour moi une bonne surprise. Formellement, le film n’a rien d’exceptionnel. Les séquences s’enchaînent arbitrairement comme pour la série. La forme n’est pas le sujet. L’important, ici c’est le fond et les comédiens que l’on se réjouit de revoir. La fin pourra arracher quelques larmes pour les aficionados de la saga. Elle augure au choix la fin de la saga, ou le début d’une nouvelle ère.

Noel_Astoc
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le 30 avr. 2022

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Noel_Astoc

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