En tant que fan assidu de films d'animation (dit comme ça ça prend un sens plus large et plus sérieux que "dessin animé", et c'est vachement plus classe mine de rien, ça fait artistique), j'ai une tendance "anti-nouveauté" à cracher plus vite que ma curiosité sur l'invasion des images de synthèse au cinéma, et mes premiers symptômes sont apparus très tôt, du temps de l'avènement de Pixar.
Je voyais dans ces films une collection de bons moments à passer, rigolos et rafraîchissants, mais à des années lumières de la beauté pure et touchante d'un "dessin-papier" prenant vie sur cellulo gouaché. Une collection de films envasés dans un besoin tape à l'oeil de "faire vrai", troquant la magie d'un dessin qui bouge pour la représentation froide d'une technologie nouvelle trop "hype", hypnotisant les marmots par ses couleurs flashys et plaisant à la nouvelle génération de parents par ses multiples références geeks aux technologies actuelles. Le dessin animé dépérissait, et je faisais un début d'adieu à un genre artistique que je chéris particulièrement.
Et puis j'ai vu Dragons, et ce film m'a (en partie) réconcilié d'un coup avec le style.
Esthétiquement efficace mais simple, un univers quelque peu médiéval, fantastique, proche d'un vieux conte ou d'une rêverie de gosse, une ambiance à l'humour direct et parfois un tantinet grinçant, un climat tout aussi hilarant que sombre. Une réelle BO instrumentale marquée et non un enchaînement de chansons pop plus ou moins connues. Pas de doute, on est devant du Dreamworks.
Toothless (Crocmou par chez nous) est tout simplement l'animal le plus génial du monde, la bestiole la plus charismatique inventée depuis ces 15 dernières années. Capable de camper la pose la plus "trop choupie" qu'on puisse imaginer, faisant littéralement fondre son spectateur dans un immense "J'LE VEUUUUX !!!!", comme de devenir le dragon trop classe qu'on craint et respecte et dont on préférerait être l'ami plutôt que tout autre chose sur Terre, Toothless est l'incarnation de l'ami imaginaire parfait, l'ange gardien rêvé, silencieux et bourru, grincheux et reconnaissant, protecteur et bienveillant, beau et puissant.
Et une fois cette créature inventée, Harold, le héros humain, entame une des plus belles histoires d'amitié que le cinéma ait pu nous concocter depuis bien longtemps, pour peu que nos glandes lacrymales ne soient pas en restriction budgétaire par zèle de "chuipasunetarlouzisme", apprenant avec la simplicité d'une beauté limpide d'un Danse avec les Loups, à apprivoiser cet animal incarnant l'éternel inconnu aussi terrifiant qu'attirant. Excepté que là, ce n'est plus Chaussette le loup mais Toothless la salamandre-chauve-souris-gecko-varan crachant par sa gueule béante de Pokemon des gerbes super soniques de flammes destructrices au pouvoir dévastateur sans égal.
Gamin rejeté et animal traqué vont s'embarquer main dans la patte sur le chemin initiatique de la reconstruction personnelle, construisant petit à petit une interdépendance qui n'est pas tant physique que spirituelle, prenant sa forme autant métaphorique que tangible tout au long du film jusqu'à sa splendide conclusion.
C'est techniquement un cran en dessous d'une production Pixar bien entendu. C'est une différence de moyens investis. On le sent s'y on s'y attarde. Mais on en a rien à battre, parce que putain, qu'est ce que c'est beau. Le film est d'une simplicité esthétique implacable, enlaçant ses scènes de complicité entre l'homme et la bête dans une imagerie d'une beauté sidérante. On est pas bluffé devant les prouesses technologiques sans âme d'un Cars ou même d'un Monstres et Cie (ouais je sais, mais même celui là j'accroche pas), ici on est tout simplement touché par une image dont on se fout de savoir si elle fait "réelle" ou non, si elle est d'une perfection technique sans égale, on s'en cogne. Ces images nous transportent réellement, et l'espace d'un instant, on vole aussi sur le dos d'un dragon d''un noir d'encre sur un couché de soleil aux tons pastel émerveillant, la BO absolument magistrale de John Powell dans les oreilles.
How to Train you Dragon m'a réconcilié (en partie) avec le genre "de synthèse" oui, mais surtout avec Dreamworks, qui a fait ce que jamais je n'aurais imaginé possible avant de voir ce film : Réaliser un dessin animé de cette nouvelle ère que je place sans hésiter parmi mes 15 films d'animation favoris.
Alors oui à cette âge de l'image de synthèse en animation, mais entre l'histoire technologico-geek flashy baveuse et froide et le conte à la part de "magie" simple qui fait rêver, le choix est vite fait, j'étais fan du Disney d'avant, je ne jure que par Dreamworks maintenant, qui vient de confirmer cette tendance avec son excellent "Les Cinq Légendes".