Ils sont palestiniens, polonais ou indiens, français aussi, réunis tous ensemble sur un bateau pour une croisière en Méditerranée. Trois mille hommes prêts à s’amuser, à sublimer leur quotidien et à trouver l’amour, pourquoi pas. Pour certains, il y aura quelque chose de magique, d’un instant magique, à vivre enfin son homosexualité sans être obligé de se cacher, de mentir, de fuir, de subir poids religieux et traditions, d’échapper à la prison ou, pire, à la mort. Derrière les paillettes, les tenues cuir et les soirées boum boum jusqu’au petit matin, plusieurs témoignages évoquent le fait d’être gay, là et ailleurs, dans d’autres endroits du monde.
Un monde ramené ici à un bateau, une arche où simplement être devient soudain possible, sans jugement ni menace. On danse, on drague, on baise. On parle de cul et de sentiments, de c*oming out* à la salle de sport, on évoque la solitude, la maladie, la vie dure des stéréotypes gays, la difficulté d’aimer et d’être aimé. Tristan Ferland Milewski a rencontré plusieurs de ces garçons (Marek, Ramzi, Dipankar, Philippe…) qui se livrent entre deux séances de maquillage ou autour de la piscine, fiers et radieux au milieu d’autres garçons (travestis, gym queens, bears, jeunes, vieux, beaux, moches, lookés, pas lookés…), faisant ressembler la joyeuse odyssée à une gay pride sur les flots avec ce que cela convoque d’excès et d’excentricités (et de mal de mer carabiné).
L’ultra-communautarisme de la chose pourra éventuellement hérisser le poil, mais il représente une formidable parenthèse enchantée pour beaucoup qui, au quotidien, luttent contre une homophobie désormais sans limite. Mais ça ne dit finalement pas grand-chose, ça ne dit rien de vraiment neuf ni de fort sur l’identité queer aujourd’hui, Dream boat se contentant de compiler atermoiements existentiels (jamais loin de la niaiserie), essayages de costumes et parades technoïdes. De fait, le documentaire de Ferland Milewski ressemble à cet ancien reportage de Tellement vrai sur une croisière gay qui traînait, lui aussi, le même lot de généralités et de questionnements, la mise en scène et le prestige de la Berlinale en moins.
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